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La Folie - MML Savin

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L’Apocalypse 335<br />

d’abord que des couleurs ternes et mêlées comme si des couleurs, ruisselaient<br />

sur les murs ; puis un kaléidoscope d’innombrables couleurs vertes<br />

et vives, qui éclataient qui tournoyaient, des trajectoires, des soleils, une<br />

vibration d’une profusion à donner le vertige. Et, succédant au fracas des<br />

torpilles, le strident, le fracassant d’une musique barbare qui était pourtant<br />

de la musique. Tous les convives de l’en-cas disaient ou pensaient<br />

comme la <strong>La</strong>ngouste l’aurait dit : « Ça alors ! » Ce qui fulgurait, ce qui<br />

échappait à toute forme, cela se groupa, se stabilisa. Des cubes devinrent<br />

des tours, l’éblouissement de toute couleur qui s’était immobilisé en<br />

triangle devint une aile, comme celle d’un ange, des flocons furent une<br />

barbe d’argent dans le ciel, un océan de verre roula ses vagues de verre, et<br />

tantôt c’était un rouleau où quelque chose était écrit, qui se déroulait et<br />

s’enroulait, et c’était de nouveau l’océan. Le barbare de la musique<br />

n’était plus que du moderne un peu barbare, mélodieux parfois dans le<br />

barbare. Une voix très pure chanta, un chant sans parole, qui chantait le<br />

bonheur d’être une voix qui chante. Peut-être ce visage sur le mur à côté<br />

de l’aile, toute une longue robe à ceinture d’or du visage jusqu’à la mer,<br />

était-il ce que chantait la voix si pure. Des visages, des chevelures, des<br />

vieillards sur des trônes autour d’un trône, un trône colossal, et sur ce<br />

trône une majesté qui n’était qu’une lumière en majesté sans aucune<br />

forme ; et quand la lumière prit une forme, celle d’un homme, la voix<br />

chantait : « je suis l’alpha et l’oméga ! » À ces premières paroles de la<br />

voix ce fut un grouillement d’êtres de toutes les formes, humaines, bestiales<br />

ou minérales, des navires sur les océans, des villes qui poussaient<br />

comme des plantes magiques, des architectures célestes, des choeurs<br />

d’anges qui chantaient au balcon du ciel. « Bravo » cria le tragédien de<br />

son bravo de gala. Et comme par miracle, on reconnut le tragédien parmi<br />

les figures, lui-même sur les murs, entre un arménien de Belleville et un<br />

ange, puis le géant roux, puis les jambes et le dos de ces jambes qui dansaient<br />

à la gloire d’une dame à califourchon sur une bête, une dame aussi<br />

nue qu’une dame peut l’être, sans un soupçon de pyjama. Ce fut un jeu de<br />

reconnaître et de vouloir à toute force reconnaître ; par exemple, l’homme<br />

lumière en majesté sur son trône était-il oui ou non Marka, comme<br />

s’entêtait à le soutenir le jeune homme au torse rose ? <strong>La</strong> barbe d’argent<br />

empêchait de bien reconnaître. Ce n’était qu’une ressemblance en gros, et<br />

de race pour ainsi dire, comme un homme ressemble à son dieu. Cela<br />

n’était pas aussi sûr que pour l’ange à cheval, précédant toute une cavalerie<br />

d’anges, qui était, à n’en pas douter, le roi des belges. On se dérida à<br />

ces gloires quotidiennes. Plusieurs affirmaient qu’ils reconnaissaient la<br />

dame nue qui était manifestement anonyme. Elle chevauchait sa grosse<br />

bête, avec des minauderies d’écuyère, un miroir à bouts de bras, où elle<br />

ne se regardait pas. <strong>La</strong> bête n’était qu’une mécanique qui tirait une langue

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