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La Folie - MML Savin

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<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

- Il me semble que je connais ce poète dit Blanchonval.<br />

- Ce n’est pas absolument impossible fit Marka. Les français<br />

n’ont pas la fibre poétique, mais ce livre là, qui n’a eu de prix à aucun<br />

concours, fut un succès de librairie, le plus grand peut-être même en<br />

France. Le livre par excellence ! Oh ! pas de quoi s’échauffer la tête... ce<br />

n’est qu’un pot pourri de proverbes et de lieux communs. Touchant<br />

comme dit encore notre Blanchonval ; apocryphe et folklorique ! Ma colombe...<br />

ce n’est que villageois de son village... j’ai des amis qui donneraient<br />

tout ce fatras pour dix lignes de Montesquieu.<br />

Puis il disparut dans l’ombre mauve qui n’était plus qu’à peine un<br />

mur de mauve dans de l’ombre. Le regard le mieux exercé n’était plus<br />

capable de distinguer les avec et les sans, vestes de pyjamas ou pyjamas.<br />

Pour ménager le retour des pudeurs, l’un après l’autre ventilateurs se ranimèrent,<br />

l’eau des jets d’eau se fit moins chaude puis glacée. Une fraîcheur<br />

de petit matin reboutonna les plus intrépides, les plus endurcis. Les<br />

musiciens du tango-tango qui ne jouaient plus qu’en sourdine, retrouvèrent<br />

opportunément de la vigueur au moment où le mauve devint du<br />

mauve qui n’était plus de l’ombre, et peu à peu mauves et citrons à temps<br />

égaux. On dansa. Les japonais distribuèrent de certains bouillons bouillants<br />

que l’on jugea fort agréables. On annonça qu’un en-cas était servi<br />

par petites tables dans cette salle aux murs nus, meubles Lévithan, où la<br />

voix de Marka avait salué ses hôtes et partagé des collections imaginaires.<br />

Les sudistes qui refluaient de leur sud furent assez surpris de constater<br />

que les pyjamas du nord étaient aussi froissés que ceux du sud. « On<br />

étouffait dans ce nord » disaient les nordistes, et les autres : sans les<br />

bouillons japonais nous étions gelés. » Il y avait du mystère partout et<br />

des sourires qui n’allaient pas plus avant dans les confidences. Homards<br />

et salades russes, tartes à l’orange, on aurait dit que le menu de l’en-cas<br />

avait été dicté par le Colonel de Pontaincourt. Cela contrastait avec le<br />

Juan-Gris Melba ou le clafoutis pointilliste de l’accueil, les barquettes<br />

Picasso ou les Braques aux amandines. C’est que le soir on entrait dans<br />

un rêve et l’on approchait de la sortie. On en était aux propos du bout des<br />

dents, autour des tartes quand il se fit un fracas d’apocalypse, du tocsin à<br />

grandes volées, des hurlements de sirène, la salle tout à coup dans<br />

l’obscurité. On sauta, on hurla. Le tragédien hurla son Oh le plus tragique.<br />

Même le géant roux sauta mais comme on saute au commandement<br />

du commandant dans la marine norvégienne. Blanchonval et Catherinette<br />

épargnés, car ils savaient tout : que c’était et que ce n’était pas la fin du<br />

monde, que ce fracas d’écroulement et de torpilles n’était pas<br />

l’écroulement de Montparnasse sous les torpilles, que ce n’était qu’une<br />

idée de Marka (encore une !) charivaris et cinéma. Par un ingénieux dispositif,<br />

sur tous les murs à la fois, les couleurs d’abord, qui n’étaient

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