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La Folie - MML Savin

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<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

Et le mousse sans peur aucune, nez et pompon dressé vers le buste<br />

de fauve, à mêler le souffle au souffle, se passa et repassa l’index sous<br />

son nez « uit ! uit ! uit ! » soufflait le mousse en passant et repassant.<br />

- C’est du langage de planétaire, tu comprends le planétaire,<br />

cher Aristide... ou alors qui le comprendra ?<br />

- Je comprends quoi ?<br />

- L’oiseau qui a des ailes s’envole. Celle qui est oiseau<br />

s’envole. On peut avoir des jambes si les jambes sont plus commodes.<br />

Les jambes planétaires cela vaut des ailes. Le japonais de l’ascenseur saura<br />

peut-être te dire si les jambes se sont envolées pour Oslo ou pour Calcutta,<br />

si les jambes l’ont dit. J’en doute. <strong>La</strong> planète est si petite ou planétaire<br />

qu’il serait mesquin de dire vers où, quand on s’envole...et puis Paris<br />

n’est pas moins grand que la planète. Il est si facile d’y brouiller les pistes...<br />

Aristide soufflant ne soufflait que de rage, le souffle plus éloquent<br />

qu’un discours. Catherine tordait le pyjama d’Aristide ; puis étouffant sa<br />

voix dans la fourrure de son fauve, ses lèvres contre le coeur :<br />

- Écoute Aristide. Je suis jalouse, autant que tu serais jaloux<br />

de l’ami Blanchonval ; mais cela n’a pas d’importance. Si tu peux<br />

saisis-les au vol ces jambes ! et même si tu penses les avoir perdues moi<br />

je les retrouve. Je ferai cela par amour de toi... Mais écoute, écoute ! Mes<br />

jambes à moi sauront te suivre si tu pars. Les autres, les planétaires ! elles<br />

ne sont pas du tout planétaires. Tu ne les arracheras pas... pas plus que tu<br />

n’arracherais d’un seul coup tous les platanes, tous les tilleuls de France.<br />

Elles ont leur race, qui n’est pas la tienne. Si nous avons la guerre comme<br />

ils le disent, elles seront infirmières dans un hôpital, ou sous les obus, car<br />

je n’ai pas de mépris pour la race de ces jambes ; je la connais bien. Ils<br />

sauront souffrir, mais ils ne savent pas que toi tu sais, ce que je sais. Ils<br />

n’ont pas à craindre ce que nous pouvons craindre.<br />

Cela fut dit si bas, que même si les sudistes n’avaient pas été ces<br />

hébétés de chaleur et de langueur, personne n’aurait pris garde à cette<br />

sorte de corps à corps. D’ailleurs, qui aurait mis un nom sur le petit<br />

mousse à boucles sombres. Sans doute c’était quelque danseuse anonyme,<br />

du Moulin Rouge ou du Maillol, puisqu’elle levait si haut les jambes.<br />

Blanchonval s’était détourné par délicatesse. Quand il se retourna, le<br />

fauve souriait d’un sourire qui était si doux qu’on oubliait les babines et<br />

la fourrure. Des babines de fauve n’auraient pas pu sourire ou dire ce que<br />

disait au mousse les lèvres de Marka presque sans bouger.<br />

- Petite soeur, mon jardin à moi, ma fantaisie à moi, c’est<br />

donc toi qui m’a volé le coeur ? Tes joues ont la couleur de la grenade<br />

mûre. Tes yeux sont des colombes. Ne crains rien. Du sommet du Senir

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