La Folie - MML Savin

L’Apocalypse 323
tout organiser, jusqu’aux détails. Blanchonval, admirateur farouche, se
glissait d’un groupe à l’autre et glanait tant de sottises au passage, qu’il
ressemblait à quelque Pierrot, sa chandelle morte.
- Savez-vous ce que je viens d’apprendre ? minaudait un
grand garçon assez fille, attentif à montrer ses dents, qui lui faisaient un
charme irrésistible, il paraît que ces trucs fondants, au buffet, qui n’ont
même plus de formes, ces espèces de gâteaux en praline, c’est de l’art
moderne ; cela vaut des millions ! Ce que les gens sont bêtes ! Marka en
remplit des bateaux et il les vend en Amérique. C’est un malin, Marka ...
Le garçon, ses belles dents à l’étalage, sourit d’un sourire de magazine,
au plus offrant, entre une dame d’un certain âge et un bellâtre corpulent,
qui jouait depuis ses vingt ans les Archiducs d’Autriche et les princes
romantiques.
Si le garçon avait vu de quel regard le regarda cette vraie princesse,
un peu essoufflée, qui arrivait en retard, dame et princesse du moins par
le regard ! Mais la presse était telle dans l’aquarium que nul encore
n’avait remarqué la princesse.
Dans l’ascenseur, qu’elles avaient pris ensemble, seule une autre
invitée l’avait entièrement observée. Ses prévenances discrètes, une sorte
de respect à peine sensible dans la politesse mais qui était du respect. Elle
s’effaça, ouvrant la porte à la princesse, qui sortit de l’ascenseur en princesse,
un merci de la tête, et s’envola. L’autre prit son temps, comme
quelqu’un qui réfléchit, se mordit la lèvre, sourit à son pyjama qui était
moins un pyjama, sinon l’étoffe, que l’uniforme réglementaire d’un
mousse de marine, entre noir et bleu comme est le bleu marine. À son
aise en uniforme, à croire qu’elle se costumait ainsi tous les jours. Le japonais,
qui s’était cassé en deux à la princesse, sourit au pyjama de marine
sans s’incliner.
Soudain, la voix de Marka, à la toute puissance des haut-parleurs :
- Le Nord n’est pas le Sud ! Le Sud n’est pas le Nord !
On s’esclaffa. Le fourreur s’était-il converti à la doctrine de La Palice
?
- Choisissez du Sud ou du Nord ! dit encore la voix. Choisir
! Ce n’est que pour vous apprendre. Un jour, si vous aviez à choisir ?
Et partout des Japonais surgirent, bronze et sourire, comme s’ils
surgissaient du parquet, porteurs de pancartes, les unes Sud, les autres
Nord.
- Il fait si chaud que je choisis le Nord, dit le grand garçon.
La dame mûre, le bellâtre et le garçon suivirent donc un Japonais à pan-