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La Folie - MML Savin

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Le troisième mari de mistress Smith 317<br />

plaqués qui contrastaient avec la fluidité de tout le reste. Un tendre qui<br />

déchire et qui se déchire parce qu’il est trop tendre, un coeur qui se<br />

ferme, une retraite soudaine et brutale. Mais Jacques adoucit la brutalité<br />

des derniers accords, ce qui les rendait plus poignants, en leur ajoutant du<br />

secret et comme une retenue de hauteur et de politesse. Le Colonel aurait<br />

voulu crier sa joie, son admiration, sa gratitude. Il cherchait des mots.<br />

Hélas !... Des mots !... Il ne sut que s’écrier : « Liliane ! Liliane ! Tu as<br />

reconnu, j’espère !... Mais c’est mon chant préféré, celui que je fredonne<br />

toujours. Voyons, Liliane ... Tu crois à beau soleil ... Le Colonel était<br />

ivre, de son Beau Soleil, du luth, de Jacques. Il serrait les mains de Jacques,<br />

comme si Jacques avait sauvé Liliane des flammes ou de la noyade.<br />

Quand il eut replacé le luth dans la vitrine, il reprit les mains de Jacques.<br />

- Je ne trouve pas de mots. Les mots ! Peuh ! Il n’y en a<br />

jamais quand il faudrait en avoir. Je copierai pour vous les paroles de cet<br />

air, qui à vrai dire est une marche et que vous n’avez pas joué tout à fait<br />

comme une marche.<br />

Mais c’était justement cela le plus beau. Jacques était le cher voisin<br />

; intime, il ne tiendrait qu’à lui, et déjà invité pour le lundi 17. « Non.<br />

Ne refusez pas. Des familiers, rien que des familiers. Sans aucun protocole.<br />

Entre soi. Il y aura de la jeunesse. Un ami de Liliane, un garçon fort<br />

bien, que les études n’ont point gâtée ... Je serai content de vous présenter.»<br />

Encore les mains, encore du mon cher, du mon cher <strong>La</strong> Châtelière.<br />

« Liliane, dit le Colonel, quand on est <strong>La</strong> Châtelière, jouer du luth comme<br />

notre cher voisin, cela doit sembler tout naturel...» Enfin, après congratulations,<br />

Nestor, solennellement, pour reconduire.<br />

Jacques reconduit, ne pensant à rien, descendit le boulevard Pasteur,<br />

pour se dégourdir. Il fredonnait Beau Soleil, comme aurait fredonné<br />

le Colonel. Passant devant un cinéma, il entra, sans même consulter<br />

l’affiche. « Prochainement...sur cet écran...» On finissait la présentation<br />

du prochain film. Des jambes, beaucoup de jambes, comme il en faut<br />

quand on veut montrer que parmi tant de femmes qui ont de belles jambes,<br />

la vedette les a plus belles, incomparablement. Ces jambes-là dansaient<br />

sans tête. Qui désirait voir aussi la tête, viendrait au film. On avait<br />

dû présenter la tête sans les jambes, au commencement. Un film étourdissant,<br />

éblouissant : L’Ensorceleuse, avec SOPHIE PONTAINCOURT.<br />

(lettres énormes, une à une, sur l’écran, à fond de jambes.) Jacques sourit.<br />

<strong>La</strong> rencontre était plaisante. « Ce Pontaincourt d’écran est un tout autre<br />

Pontaincourt » se dit Jacques. Puis il s’endormit. Au titre du grand

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