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La Folie - MML Savin

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Le troisième mari de mistress Smith 315<br />

- Je ne suis qu’un amateur, répétait Jacques. À la flûte, parfois,<br />

j’arrive à me contenter. J’avais la voix juste, à la tribune du collège.<br />

Je l’aurais peut-être encore. Cela ne fait pas un musicien.<br />

D’accords en accords, l’air devenait un air, bourrée, tambourin ou<br />

gavotte, mais Jacques n’achevait rien. Il préludait ! Promesses, doutes,<br />

vapeurs ; syncopes, contretemps, arpèges lents ou rapides, tout s’animait,<br />

tout retombait, comme on laisserait tomber des perles, sans le souci de les<br />

ramasser.<br />

- Soyons sérieux, dit-il. Allemande, Courante, Sarabande :<br />

c’est un air de Jean Marin...<br />

- Bravo ! s’écria le Colonel. Jean Marin, c’est de la musique<br />

!<br />

À chaque mouvement, le Colonel opinait, le sourcil levé, comme<br />

pour dire : Liliane ! Liliane ! Car, vraiment, il n’y avait rien d’autre à<br />

dire. Quelle variété dans les temps et dans les rythmes ! <strong>La</strong> Sarabande,<br />

au plus grave, après l’Allemande et la Courante, développa son ordre liturgique.<br />

- Ce Marin ! soupirait le Colonel. Et vous dites que vous<br />

n’êtes qu’un amateur ? Mais vous jouez cela d’instinct, comme si vous<br />

aviez écrit la musique !<br />

- Marin ! Marin ! fit Jacques, en riant. Moi aussi je suis<br />

marin, car j’ai servi dans la marine !<br />

C’était si gai, si bon enfant, que Pontaincourt ne s’offusqua point.<br />

Liliane préparait une moue d’archiduchesse, mais sourit et défit sa moue,<br />

entendant le rire franc de son grand-père (« S’il le prenait sur ce ton-là !<br />

N’empêche ... Le parapluie de Demazure, qui n’était que Louis-Philippe,<br />

n’aurait jamais risqué de ces gamineries ...» ).<br />

- Comment avez-vous découvert Marin ? interrogeait le<br />

Colonel. Ce n’est même pas un nom, sous leur damnée République ...<br />

- Par hasard ! répondait Jacques. On s’amourache d’un<br />

luth. On cherche des oeuvres. On retient des noms.<br />

Jacques ne pouvait pas conter (c’était trop long !) qu’Ilse, un jour,<br />

dare-dare, avait grimpé quatre étages, un luth dans ses bras, comme un<br />

poupon. Un cadeau de l’ogresse bavaroise ! C’était son luth de jeune<br />

ogresse, ses amours : une ogresse aussi a son printemps d’amour. Amours<br />

et luth, elle avait fait un beau paquet du tout, quelques friandises avec,<br />

songeant que l’enfant bien-aimée en était peut-être à la saison de ses<br />

amours. Une ogresse devine ces choses-là, à distance. Le Professeur Moser<br />

fut professeur de luth comme il l’était de tout instrument. Il montra<br />

comme il faut s’y prendre, la façon d’accorder, de se tenir, de toucher, la

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