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La Folie - MML Savin

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Le troisième mari de mistress Smith 313<br />

que depuis Louis-Philippe. Avoir dit d’abord : simplicité ! Merveille ensuite,<br />

qui ne vaudraient rien sans la simplicité de l’ordonnance ... Voilà<br />

du jugement, comme il ne s’en trouvait qu’en France ...» Il fit le tour,<br />

sous les galeries, de son pas de plus Colonel.<br />

- Les peintures sont de qui vous voulez ... Watteau ? Pensez-vous<br />

qu’elles soient de Watteau ?<br />

- Cela me surprendrait, répondit Jacques. Je ne reconnais<br />

pas la manière. Bergeries et badineries : ce sont des sujets qui ne sont pas<br />

à Watteau plus qu’aux autres. Mais qu’importe la signature ? <strong>La</strong> peinture<br />

a la vivacité de la fresque, une fraîcheur d’improvisation, quelque chose<br />

de franc et de rustique, comme des fleurs qui sentent leur jardin de campagne.<br />

Pontaincourt exultait. « Tu entends, Liliane ? »<br />

Liliane se souvenait que Demazure n’avait pas un instant hésité à se<br />

prononcer pour Watteau. Tout était de Watteau, même l’or des corniches<br />

et des grillages. Et de quel nez d’assurance il se prononçait ! Pontaincourt<br />

mordillait son semblant de moustache, se disant que Louis-Philippe,<br />

c’était déjà la décadence et la République.<br />

- Liliane, mon enfant, éclaire-nous les vitrines .<br />

Dans les vitrines doucement illuminées, les velours bleu de roi,<br />

quelques uns sur velours pourpre, les luths de jadis irradiaient comme des<br />

nacres.<br />

- Oh ! s’écria Jacques. Un luth anglais !<br />

Et il expliqua à Liliane (Monsieur de Pontaincourt devait savoir ce<br />

détail amusant des moeurs) comment en Angleterre, chez les coiffeurs, il<br />

y avait des luths pendus que l’on dépendait, et qui savait, jouait pour<br />

tromper l’attente.<br />

- Bravo ! ponctua Le Colonel. Reconnaître un luth anglais<br />

! Malpeste ! Vous êtes amateur, <strong>La</strong> Châtelière !<br />

- Mon oncle avait quelques luths, à <strong>La</strong> Châtelière, dit Jacques.<br />

Mais rien de comparable aux trésors que je vois dans ces vitrines.<br />

- N’allez pas imaginer une collection, dit le Colonel. Ce ne<br />

sont que des luths de famille. Celui qui jouait a laissé son instrument. <strong>La</strong><br />

vitrine n’est que pour les protéger de la poussière.<br />

- Je le pensais ainsi, dit Jacques. C’est votre salon de musique,<br />

où ceux qui ne reviendront plus auraient tant de joie à retrouver<br />

leur luth ... C’était leur coeur ; ce l’est encore mieux que les tableaux de<br />

famille qui ne contiennent que de la cendre. Si l’on frôle les cordes, c’est<br />

un peu de leur coeur qui chante.<br />

Monsieur de Pontaincourt à la dérobée s’en moucha d’émotion.<br />

Quelle différence avec Louis-Philippe (ou Demazure..) Cela venait du<br />

coeur, sans éloquence. Cela respirait librement, comme l’herbe des pe-

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