25.06.2013 Views

La Folie - MML Savin

La Folie - MML Savin

La Folie - MML Savin

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Le troisième mari de mistress Smith 311<br />

Elle prit un de ces quatre ou cinq luths, qui étaient accrochés l’un<br />

près de l’autre. D’un pouce élégant elle fit chanter un accord.<br />

- Vous touchez à ravir, dit Jacques. Puis s’approchant des<br />

luths :<br />

- Ce ne sont pas des luths pour qu’il les répare. Mon ami<br />

n’est pas luthier. Amoureux de luths plutôt, et de tous ces vieux instruments<br />

: par-dessus tout de viole, Basse de viole, Viole d’amour.. Parce<br />

qu’ils ont de si beaux noms ! Que je comprends mon ami ! Faute de pouvoir<br />

jouer lui-même, il achète quand il trouve. Des luths, surtout. Il les<br />

entasse dans une armoire. Ceux-ci qui sont accrochés, ne sont que des<br />

luths de fabrication moderne, que des amis lui ont rapportés de Souabe ou<br />

du Tyrol. On a remis le luth à la mode, dans ces pays là. Ce qu’il préfère,<br />

c’est un luth d’autrefois, qui garde le secret de nos airs d’autrefois.<br />

Elle raccrocha le luth de Souabe ou du Tyrol parmi les autres.<br />

- Une cigarette ?<br />

- Volontiers.<br />

C’était s’accorder le temps d’une cigarette, à rêver dans la fumée,<br />

sans rien dire. Elle revoit, caressant de ses doigts fins, le secrétaire Directoire,<br />

aussi doux à caresser qu’une figure de Sphinge, dans la nuit, au parfum<br />

des lys. Regardant le secrétaire, sans regarder Jacques :<br />

- Monsieur Lerrand, dit-elle, je m’excuse d’avoir besoin de<br />

vos services.<br />

- Je suis à votre service dit Jacques.<br />

- Je vous remercie. Où donc avais-je la tête, en vous écoutant,<br />

l’autre jour ? Vous expliquiez mon secrétaire de si bonne grâce que<br />

j’aurais dû comprendre et retentir. Il me semblait que j’avais compris. Je<br />

n’ai rien retenu. C’est donc que je n’avais pas compris. J’ouvre tous les<br />

tiroirs, sauf un. J’y passerais mes nuits. Au dernier tiroir, chaque fois, je<br />

me désespère, Il ne cède pas. Ce n’est qu’un tiroir vide, sans doute. Cependant,<br />

je m’irrite et je me désespère.<br />

- Vous avez raison, dit Jacques. C’est la résistance qui irrite,<br />

et qu’il faut vaincre. Je suis à vos ordres. Descendons. Aucun outil se<br />

m’est nécessaire. Je vous le disais : tout est dans la combinaison. Je me<br />

souviens de la combinaison. Profitez-en. En Espagne ou n’importe où,<br />

bientôt je suis un homme qui voyage. Mon ami <strong>La</strong> Châtelière habitera<br />

mon atelier. Un garçon fier, plein de préjugés entiché de sa noblesse, Vicomte<br />

de je ne sais plus quoi, un château, des terres, des collines, des<br />

chasses. Un haut seigneur, comme est votre grand-père. Tout à craindre.<br />

Mais de Jacques Lerrand, vous n’avez rien à craindre. Un ouvrier plus<br />

qu’un artiste. Marchez devant. Je vous suis. Vous êtes ma clientèle. On<br />

sourit à la clientèle.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!