La Folie - MML Savin

Police 295
Ce n’était qu’un loueur de fenêtre, qui proposait des places pour
voir à son aise le défilé.
- Une bonne idée ! dit Jacques. C’est un spectacle à dominer.
Le loueur les conduisit, par un dédale de cours et d’escaliers, à
deux chaises, qui les attendaient sur un balcon, juste à l’angle de la rue
Washington et des Champs-Elysées. La monnaie vérifiée sans sourire :
- Vive l’armée ! dit le loueur, dans un sirop de son sourire.
- Vous avez raison ! dit Jacques. Il vaudrait mieux la laisser
vivre et ne pas la tuer. Tout ce qu’on gagne sur la mort est autant de
gagné.
Sirop figé, le sourire ne fut soudain qu’une affreuse grimace, des
yeux gris braqués sur Jacques, comme on braquerait un instrument, pour
enregistrer.
- Je savais bien qu’il était de la police ! fit la Langouste,
l’homme parti. Depuis le temps que je suis concierge au 9, si je les
connais ! Vous avez peut-être eu tort, M’sieur Jacques. Moi, je me tais et
je fais la bête. Avec ça, que je ne moucharde pas assez et que si je mouchardais
davantage, le Commissaire ne démolirait pas un immeuble à
deux colonnes ! Des poulets ! Il n’y a plus que des poulets et de la poulaille
partout. Pas du beau monde. Je parie que, d’ici huit jours, j’ai un
poulet dans ma loge, qui essaye de me fricoter à propos de vous ... Mais
je le guérirai de la pépie, celui-là ! Qu’il y vienne !
- Ne vous démontez pas pour moi, Madame Arthur, dit
Jacques, en regardant la foule dans l’Avenue. Puisqu’ils veulent qu’il y
ait la guerre, je serai tué avant d’avoir eu le temps d’être suspect.