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La Folie - MML Savin

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<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

- Vous pouvez partir, dit le notaire à Jacques, le lendemain<br />

de la visite. Votre oncle serait content.<br />

Partir, ce n’était que pour retrouver Ilse et dire Ilsette, Ilsou, à toutes<br />

phrases, comme il disait aux platanes, à sa mère au notaire, car il arrivait<br />

à Jacques d’être aussi distrait que Monsieur Lerrand. Si d’aventure<br />

Ilse avait sonné à la grille, quelle raison de quitter <strong>La</strong> Châtelière avant<br />

l’hiver ? Il avait sa mère tout à lui des journées entières ; la même liberté<br />

auprès d’elle qu’auprès de Poliche, sans surprise, comme s’ils savaient,<br />

l’un et l’autre, que viendrait enfin le temps de leur intimité.<br />

Ils se promenaient ensemble indéfiniment parmi les bois, Poliche<br />

toujours présent entre eux, qui avait tort de dire qu’il volait Jacques car il<br />

l’avait conservé à sa mère. Ilse aussi, comme si elle les accompagnait, le<br />

nom de la petite fée à tout instant sur les lèvres de Jacques. Jacques ne<br />

prenait pas la peine de présenter, quand il parlait des autres. C’était des<br />

inconnus, qui surgissaient dans ses propos, qui disparaissait, qui reparaissaient,<br />

qui devenaient comme des familiers peu à peu. Au bout de quelques<br />

jours, Madame Lerrand était capable de dire à son fils : « Tiens !<br />

c’est Ilse, à qui le jardinier a ouvert la grille.» <strong>La</strong> première fois qu’elle<br />

avait entendu ce nom, elle avait comprit. Il suffisait de l’entendre chanter,<br />

douceur et musique, dans la voix de Jacques. Elle imaginait déjà les hauts<br />

cris de la gerbe : « Ilse ! Est-ce un nom ? » À Sillé-le-Guillaume, ce n’est<br />

pas un nom !<br />

Il n’y avait que celui-ci dans le coeur de Jacques. « Ilse ! Ilse !» répétait<br />

Jacques ; sur tous les tons, en défaisant ses valises. Reproches, regrets,<br />

fureur, tendresse ; et quel désordre sauvagement dans l’atelier pour<br />

se venger ! Douche et lavande pour se consoler. « Tout seul, un quatorze<br />

juillet ! C’est intelligent ! Il ne me reste plus qu’à courir les bals, en quête<br />

d’une cavalière ! Et si j’offrais mon bras à Mademoiselle <strong>Folie</strong>, Archiduchesse<br />

du Secrétaire ? Avec une autorisation du Colonel, nous irions valser<br />

à la Bastille !» L’idée était si cocasse que Jacques retrouva sa belle<br />

humeur. Par la fenêtre ouverte, il regarda l’autre fenêtre, en face, derrière<br />

les platanes. « Elle doit dormir. Que faire, un quatorze juillet, quand on<br />

est archiduchesse ? Une journée maudite, qu’il est préférable d’oublier ...<br />

Dormez, rêvez, noble dormeuse!.. Ce n’est pas moi qui vous couperai la<br />

tête. Vous embrassez trop bien ..» Il revoyait la chambre aux amours, le<br />

lit bas, la dormeuse de soie blanche qu’un baiser avait endormie. « Si<br />

vous saviez que je suis Vicomte, vous n’hésiteriez pas. Nous valserions à<br />

la Bastille. On s’encanaillerait de compagnie. Flon-flon et frites à la

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