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La Folie - MML Savin

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Police 285<br />

ceux ou celles qui n’auront point pris part au cortège n’auront aucune part<br />

à l’héritage ... Est-ce que les consignes irritantes ne cachaient pas un<br />

piège ?..<br />

Sous les tilleuls, Madame Lerrand eut à conter des années de politique<br />

familiale, de cette manière vive, enjouée, qui la faisait rire de ce<br />

qu’elle disait. Son chagrin ne l’empêchait pas de rire. Pauvre Poliche !<br />

disait-elle. C’était ainsi qu’elle parlait des morts. « Ton pauvre<br />

grand-père,» « ce pauvre Poliche,» cela signifiait qu’ils étaient morts ;<br />

comme s’ils étaient bien à plaindre d’être morts, heureux et riches avant<br />

la mort, pauvres par elle. Ni aigreur, ni rancune, nulle impatience à la<br />

malveillance, à la cupidité des huit, aux distractions, aux petites faiblesses<br />

de Monsieur Lerrand, une bonté partout, pour tous, mais une joie aussi à<br />

manoeuvrer pour la bonne cause, qui n’était ni la progéniture, ni le célibat,<br />

ni la congrégation, mais la volonté de l’oncle Poliche.<br />

- C’était sa volonté que tu sois son héritier, l’unique !<br />

- J’ai toujours plié ma volonté à celle des autres, de son<br />

père ou la sienne. Cette seule fois, je lui demande de préférer la mienne.<br />

Qu’il s’attende à de hauts cris, à la perfidie, à l’intimidation. Je connais<br />

mon Jacques. Il ne tient pas à ma fortune. Il est capable de se couper trois<br />

roses et d’abandonner le reste aux chamailleries de ses soeurs. Mon frère<br />

se bouchera les oreilles. Que Jacques ne bronche pas. Menaces ou caresses,<br />

qu’il réponde à tout : J’obéis. Même si elles parlent d’un procès, et<br />

elles en parleront. Elles le perdraient. Personne ne leur conseillera de<br />

plaider. Me Mossant a tout prévu. Nous avons pensé des mois à ce testament.<br />

Il faudra bien une semaine pour expliquer à Jacques tout le dedans<br />

de mes affaires. Qu’il ne quitte pas <strong>La</strong> Châtelière avant d’être au fait.<br />

Qu’il revienne ici et ne reçoive pas ses soeurs.<br />

- Je viendrai tous les jours, ajouta Madame Lerrand. Aussi<br />

longtemps que tu le jugeras nécessaire, je serai ta secrétaire ; c’était aussi<br />

la volonté de ton oncle ; et que m’importe ce que peuvent dire tes soeurs<br />

? J’obéis.<br />

Me Mossant, quand, plus tard, il se rappelait la cérémonie de<br />

l’ouverture, en essuyait encore ses lunettes. Jacques immobile, aussi impassible<br />

que s’il avait été de service sur la vedette amirale, Monsieur Lerrand<br />

qui n’écoutait pas, les huit soeurs qui ne comprenaient rien à ce grimoire<br />

de basoche, où le seul nom de Jacques de <strong>La</strong> Châtelière, qui n’était<br />

pas celui de Jacques, qui l’était, si elles comprenaient quelque chose,<br />

mais elles hésitaient à comprendre. Me Mossant avait une façon de lire<br />

qui n’éclairait rien, ponctuant à tort et à travers, et d’un débit si rapide<br />

que la religieuse ne se souvenait point d’avoir entendu expédier un office

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