La Folie - MML Savin

Police 281
d’été d’un bleu léger, d’une rare élégance. Au temps de sa jeunesse, Moser
se serait mis tout en noir, à la mort d’un oncle qu’il aurait aimé
comme il savait que Jacques aimait son oncle Poliche. « C’est la jeunesse
d’aujourd’hui, se disait Moser. Elle n’a pas moins de coeur, mais elle refuse
de le montrer.»
Le Professeur, discrètement, tourna quelques phrases de condoléances,
aussi affectueuses que discrètes, Jacques plus touché par la discrétion
que par les condoléances, un chagrin d’enfant dans le sourire. «
Poliche ! Mon vieux Poliche ! disait-il. Il aurait trop souffert de vieillir.»
Jacques avait serré dans son portefeuille un petit billet qui était tout
Poliche : Pour Jacques, si ... Et ce billet, dans l’enveloppe : Au revoir,
Jacques. Excuse-moi de partir encore en voyage. Il faut bien que
j’accepte celui-là, comme si j’avais donné ma parole. Mon retour ne dépend
que de toi. Si tu m’aimes comme tu m’aimais, joyeux et libre en
m’aimant, je vivrai toujours avec toi, personne ne pourra plus me séparer
de toi. Je vivrai aussi longtemps que tu voudras. Désormais, c’est ma
seule chance de vivre. Laisse-les dire que je suis mort. Ne les croie pas.
Monsieur de La Châtelière s’était promené sous les tilleuls, feuilletant
un livre, pendant que le jardinier tondait les pelouses, vers la fin de
l’après-midi. Le jardinier l’avait vu de loin, qui lisait sous les tilleuls, qui
allait s’asseoir à la margelle du bassin, qui continuait paisiblement sa lecture.
Quand il eut fini de tondre, le jardinier remonta de ses pelouses pour
demander à Monsieur de La Châtelière si c’était bien demain qu’on ramasserait
le tilleul.
Le liseur lisait toujours, un peu trop courbé pour un liseur, comme
s’il était endormi sur son livre. C’était à Jacques de continuer la lecture,
s’il voulait, puisque l’oncle ne lirait jamais plus que par les yeux de Jacques.
Le jardinier remit le livre à Jacques, en contant ce qu’il appelait la
mort de Monsieur de La Châtelière. Le Petit Lord ... un livre des treize
ans de Jacques, qui en lisait des pages à son oncle, dans le temps, pendant
les fraîches soirées de l’automne. Entre deux pages, cette enveloppe :
Pour Jacques, si.... on ne prend pas le deuil à cause d’un départ. Le ruban
de crêpe à la boutonnière n’était que pour la famille.
- Je reviendrai, dit Jacques. Ilse doit dormir encore. Le
Professeur bien étonné que Jacques ne fût pas au courant de la tournée
espagnole.