La Folie - MML Savin

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La Folie
de fée Vermicelle. Elle s’affaire à ses valises ; les partitions, le châle de
Bavière ; elle énumère les provisions qu’elle a faites pour le professeur.
Elle est fière d’avoir été choisie pour cette tournée de musique ; elle est
contente de partir ; elle serait plus contente si elle partait avec son père.
-Tu sais bien que je ne peux pas partir. À cause de Jumièges.
Elle est heureuse de revoir Saragosse.
-Pa, tu te souviens des pigeons sur la place de Saragosse ?
Le Professeur se souvient des pigeons, d’Ilse surtout au milieu de
tous ces pigeons.
-Et du clair de lune à Tarragone ? Toutes ces barques allumées
sur la mer, c’était comme une fête de la mer ...
Moser revoit cette fête au clair de lune. La petite fée n’est pas triste,
pas du tout : si elle l’était, son père aussitôt serait triste.
Pas la moindre tristesse, sur le quai, gare d’Austerlitz, le lendemain
; l’embarras des bagages, les camarades que l’on présente, le Professeur
qu’Ilse présente à ses professeurs. Moser, qui porte la caisse du
violoncelle, a l’air d’un musicien de la tournée. Oranges, journaux, bonbons,
et se sourire comme on sourit à la gare.
-Tu n’es pas un peu surprise du silence de Jacques ? dit
Moser, un pied sur le marchepied. Ilse rit :
- Jacques ! Mais tu sais bien, Pa ! C’est Jacques ... Il écrit
au il n’écrit pas.
Elle n’est pas surprise. Elle n’est pas inquiète. Elle rit, le nez vers le
ciel.
- Attention, Ilse ! On ferme les portières.
Mais Ilse n’entend pas. Elle ne rit plus. Elle regarde encore le ciel.
- Que regardes-tu ? Attention !
Avant que le contrôleur ferme la portière :
- Je regardais s’il y avait l’aigle noir, celui de ta chanson
de zouaves. L’aigle noir n’est pas là !..
Le train part. On agite des mouchoirs : « Ne plus pleurer.»
Elle n’a pas pleuré. L’aigle noir n’est pas au ciel ; il est du voyage.
Ilse a soigneusement plié les ailes noires dans la caisse du violoncelle.