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La Folie - MML Savin

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L’Aigle noir 271<br />

rons peut-être la paix jusqu’à l’année prochaine. Mais Richard :<br />

- Juillet 70 ; juillet 14... Cela n’entraîne pas fatalement juillet<br />

39 ! Il ne faut pas être superstitieux.<br />

Et Gaudeau :<br />

- Nos ministres fréquentent les cartomanciennes. Madame<br />

Lysiane a doublé le prix de ses consultations. Les jours pairs, elle prédit<br />

la paix ; et la guerre, les jours impairs. Les astres sont aussi divisés que<br />

les ministres et s’accusent les uns les autres, Mandel de Monzie et de<br />

Monzie Mandel. Mon beau-frère, qui est breveté, me disait hier : « Je ne<br />

vois pas où l’on veut en venir. <strong>La</strong> doctrine de l’École de Guerre, c’est la<br />

défensive, On ne déclare pas une guerre défensive. Si l’on déclare la<br />

guerre, il faut prendre aussitôt l’offensive, et même la prendre sans rien<br />

déclarer. »<br />

Moser approuvait le beau-frère. « Si nos brevetés sont aussi raisonnables<br />

que Gaudeau, disait Richard, nous sommes perdus. Ils attendront,<br />

l’arme à la bretelle. Ils perdront la guerre, par respect pour la doctrine.»<br />

- Alors, attaquons, proposait Moser.<br />

- Moser, vous n’êtes pas généralissime ... Madame Lysiane<br />

ne s’est pas encore prononcée. Quand elle aura fixé le jour et l’heure,<br />

nous serons en guerre. On ne va pas contre les astres.<br />

- Ni contre l’Angleterre, ajouta Moser.<br />

Quant on parlait de la guerre devant Jumièges, il se cabrait : « Je<br />

me refuse à croire que les hommes soient aussi bêtes ...» Mais, depuis<br />

que Julien avait scié les rosiers de Tahiti, il entrait en de sombres méditations<br />

sur la bêtise des hommes. « Sottise plus que méchanceté » se disaitil,<br />

la sottise ayant les mêmes effets que la méchanceté. Une mélancolie<br />

vague et tenace lui gâtait son ardeur au travail, ses plaisirs de jardinage,<br />

sa promenade à l’aube. Il se posait de ces questions qui sont les dernières<br />

: si la terre n’avait plus qu’une heure à être la terre, que ferait-il avant<br />

la destruction totale ? Ne soignerait-il plus ses roses ? <strong>La</strong>isserait-il du<br />

désordre dans ses collections ? Abandonnerait-il la lecture de ce livre,<br />

parce que, dans une heure, elle ne serait pas finie ? C’est ainsi qu’il<br />

continuait, pour continuer Jumièges plus que son travail ou le plaisir du<br />

jardinage.<br />

Le temps qu’il accordait aux journaux ralentissait le travail, empiétait<br />

sur le jardinage. Le matin, à midi, le soir, toujours en avance, il guettait<br />

l’heure et s’en allait aux nouvelles, lisait dix fois les mêmes nouvelles<br />

sur dix journaux. Aux titres près, un communiqué officiel, le commentaire<br />

officiel lui aussi ; des morceaux de bravoure, comme des tentures de<br />

service au parvis de la Madeleine, mariages, Te Deum et enterrements.

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