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La Folie - MML Savin

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Le bon parti 263<br />

Liliane n’avait pas souri aux canons contre-avion, sur l’esplanade<br />

des Invalides, ni au sous-lieutenant d’artillerie qui conduisait le Colonel à<br />

travers tous les canons de cette exposition comme elle avait souri quand<br />

on l’avait présenté sous la Coupole, où l’on recevait Monsieur Maurois.<br />

Cette jeune fille qui souriait (des gants noirs, une auréole blonde) derrière<br />

Sir Eric Phippe, l’ambassadeur, qui ne souriait pas au sourire de Monsieur<br />

Maurois, l’aurait-on soupçonnée de sortir à peine de L’Espérance ?<br />

Et c’était cependant sa première sortie !.. Elle avait moins souri au discours<br />

de Monsieur Chevillon qu’à celui de Monsieur Maurois, parce que<br />

Monsieur Maurois souriait et Monsieur Chevillon ne souriait pas. Elle<br />

pensait en souriant que Monsieur Maurois, qui n’était pas professeur, aurait<br />

fait un merveilleux professeur, qui lui aurait appris n’importe quoi,<br />

tandis que Monsieur Chevillon avait trop le ton d’un professeur.<br />

Et quel sourire, celui de L’Espérance, quand elle reconnut Monseigneur<br />

en personne, l’Evêque-Archevêque ! Il serrait les mains. On ne lui<br />

baisait pas son anneau d’évêque. <strong>La</strong> mémoire du prélat-académicien était<br />

si prodigieuse qu’il se souvenait fort bien de l’auréole et daigna le dire au<br />

Colonel. Liliane en avait un peu rougi dans son sourire. Dans cette voix<br />

qui félicitait, qui bénissait en félicitant, Liliane entendait l’écho des voûtes,<br />

le frémissement de cette éloquence, si naturellement sublime quand<br />

elle s’élançait à la défense de la patrie. Elle avait cette voix dans l’âme.<br />

Un autre sourire, celui-là sans rougir, à Casimir-Didier Demazure,<br />

tout surpris de rencontrer Liliane et le Colonel sous la Coupole. Le Parisien<br />

ne montra rien de sa surprise, ni Liliane, qui avait déjà deviné qu’on<br />

ne montre rien, qu’une robe, un chapeau, un sourire. Casimir-Didier tourna<br />

son compliment au Colonel, un autre à Liliane, qui, d’une voix<br />

d’oiseau ou d’auréole, celle de sa mère, remercia des fleurs (« de si belles<br />

fleurs ») qu’on avait envoyées de chez Baumann, de la part, le lendemain<br />

de l’arrivée de Liliane. « Il ne fallait pas. C’était trop gentil ..» À la Nuit<br />

de Longchamp, quelques jours après l’Académie, Casimir, aussi peu surpris<br />

du Colonel et de Liliane que s’ils s’étaient donné rendez-vous à<br />

Longchamp. Le même compliment au Colonel, le même à Liliane. Liliane<br />

eut le même sourire qu’en remerciant des fleurs. « Que c’est facile ! Il<br />

doit avoir des compliments, comme j’ai des chapeaux et des robes.» Demazure<br />

portait l’habit avec autant d’assurance que son nez, qui était du<br />

Demazure le plus rare.<br />

« Il me plaît, ton Demazure, dit le Colonel en rentrant à <strong>La</strong> <strong>Folie</strong>. Je<br />

lui ferai signe pour un de nos lundis.»

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