La Folie - MML Savin

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La Folie
de plus. On paye le gardien ... Le Protecteur, c’est lui qui paye. Ce n’est
plus un métier. C’est une mystique. Vous aimez la République.
- Amour ! Amour ! disait Marka le Protecteur, en battant
les cartes. Est-ce que je couche avec la République ?
- On peut aimer sans coucher. Saint Chrysostome, dans son
Traité des Vierges...
- Je veux bien admettre un pourcentage de vierges, interrompit
Marka, sages ou folles. Mais je ne vois la République ni dans les
sages ni dans les folles. Et, tendant les cartes : coupez plutôt, Monsieur le
Gardien de la République.
Le gardien coupa. « Coupez encore !» Encore coupa, le petit rire
suspendu, tant le fourreur avait de sérieux dans sa fourrure.
- Un, deux, trois, quatre, cinq ... Valet de coeur ! Quatre,
cinq... Roi de carreaux ! ... Quel roi ? Trois, quatre, cinq , Dame de pique.
Comme on dit : « une femme qui vous veut du mal !» Se grattant la
brosse : je crois que je suis trop intelligent pour tirer les cartes. Je connais
les règles. Mais je me sens bien capable de prédire n’importe quoi, à partir
de n’importe quoi. Vous qui sortez de plusieurs écoles, toujours premier
à chaque école, vous auriez probablement ce genre de génie ou de
sottise qui permet de déduire ceci de ceci, et non pas tout de tout !
- Je vous ai toujours considéré comme un poète, dit XXX,
le nez dans sa tulipe de cognac. J’aime les poètes aussi.
- Poètes ou prophètes, c’est tout un, soupira Marka. Je suis
de ma race.
- Une race que j’honore, fit XXX.
- Ma fourrure vous en dit merci.
- Cela n’explique pas ce valet de coeur, le roi de carreau, la
dame de pique, reprit XXX. Voulez-vous que je vous tire les cartes ?
- Ah ! non ! Vous savez, mais je sais aussi, sans aussi bien
savoir. J’ai dit que celui qui n’aurait rien à dire ne dirait rien. Sauriez-vous
ce que je sais ? Par position, vous devez tout savoir.
- Ma position n’est pas moi, dit XXX. J’ai pu sortir de tant
d’écoles, comme vous dites, toujours premier, sans être le sot qui sait
tout. C’est mon droit. Ma race, si vous préférez. Prophétiser mon cher !
Cognac ?
- Allons-y ! Cognac ! Un fond de fond de tulipe ! Le prophète
avant sa prophétie : votre Jean-Luc, si j’étais lui, je serais un peu
plus curieux de prophéties. Réveillez-le. Je sens que l’esprit de Dieu me
possède...
- Vous n’y pensez pas. De son nez et de sa mèche, il rirait
de vos prophéties ... En France, Dieu lui-même, s’il veut qu’on l’écoute,
doit être aussi sage que le Code Civil ou 1e Catéchisme.