La Folie - MML Savin

Chapitre XXIX
Roi, Dame, Valet
Chez XXX, campagne ou ville, on ne savait jamais si c’était la nuit
ou le jour, si l’on était à la campagne ou à la ville. Volets fermés et rideaux
tirés, nuit et jour, et quelque chose d’étrange, un silence, une solitude,
à se croire à l’autre bout du monde, ou peut-être à Paris, tout en haut
d’un de ces immeubles à terrasses, un jardin sur la terrasse, la lune et les
nuages au-dessus comme si la terrasse était un jardin. XXX imperturbablement
le même, l’accueil rapide, le mutisme amical, le cognac
d’hospitalité, le don d’une liberté totale. On pouvait serrer la main, se
jeter sur l’un des divans et dormir, avec ou sans cognac, ou disparaître
dans un fauteuil de cuir, improviser n’importe quoi, prêcher l’insurrection
ou l’empire, insulter l’hôte et son hospitalité, ou ne rien dire. Si l’on était
de ceux à qui l’on ouvrait la porte, on avait tous les droits. Ceux qui ne
les avaient pas tous n’en avaient aucun, l’entrée, ville ou campagne,
mieux défendue qu’une forteresse.
Ce soir-là, ce devait être le soir, et la campagne. Le visiteur avait téléphoné.
« Je peux ? » « Quelle question ! Vous êtes de ceux qui peuvent
toujours.» C’était le plein de la nuit plus que le soir, toutes les étoiles en
faction au-dessus des coteaux de la Marne, quand on ouvrit le portail
double à la voiture du visiteur. Le parc autour de la maison n’était que
solitude, plus qu’une terrasse au septième étage sous la lune. Le très redoutable,
qui interrogeait infailliblement, n’interrogeait pas.