La Folie - MML Savin

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25.06.2013 Views

250 La Folie rac, Maronnes ... 16h30. Cholet, Loudun, Châtellerault, Chateauroux, Saint-Amand, Dijon, Remiremont, Château-Salins, Sarrequemines. 19 h. 30. Des villes, encore des villes ! Des rangs de villes, et l’heure à chacun des rangs ! « C’est une lecture pour s’endormir. Quand j’en serai à la croix d’officier, je me munirai d’un cahier de ce genre, le soir. En attendant, quelque grenouille est de meilleur usage ...» Il ne grondait plus de sa fureur. Il ne songeait plus à vider les grenouilles de leurs entrailles ni à étrangler des pyjamas. Il se regardait tendrement la boutonnière. « Un peu de rouge, cela donne de la couleur à tous les costumes. Jadis, une rosette sur un pyjama, j’aurais jugé cela ridicule. Certes, un ruban de chevalier n’est pas assez pour un pyjama, qui est une tenue planétaire. Mais la rosette ...» Un Répertoire des villes terminait le cahier, des majuscules ou des minuscules, à la suite de chaque nom Ambert RVu, Arras RCv, Le Blanc RMmu ; des cartes dépliantes collées ça et là, à divers endroits du cahier, toute la France ou le détail d’une région, des lacis bleus, d’autres rouges, pointillés ou continus, d’une ville à l’autre ; sur le dépliant le plus étendu, Paris, au milieu de cercles concentriques. Marka, refermant le cahier : « Je n’aurais qu’à recopier ce cahier et l’envoyer à Lebuhotel, il y verrait aussitôt une machination contre les Protecteurs. Ce que j’y vois de plus clair est qu’il n’est pas de la main de Blanchonval. Recousons le ventre ouvert.» Il glissa le cahier dans la poche extérieure, comme avait fait le Colonel. Au moment de remettre l’extenseur suédois et le pyjama d’honneur : « J’aurais pu m’épargner une crise de jalousie ... Voici le nom et l’adresse du propriétaire : Saurin, 13 rue du Château. Aussi lisible que l’écriture du cahier est illisible ... Saurin ? Je connais ce nom-là ... Mais oui ! Tout s’explique, pyjama gris et complet gris ! le vieux monsieur à rosette, et ce nom que m’a dit Catherine avant-hier ! Mais je n’avais que celui de Blanchonval en tête ... C’est le tuteur! Adorable Grenouille ! Brave Blanchonval, qui n’a consenti à faire l’amour que par amitié pour moi ! J’ai toujours la même amitié pour Blanchonval. Je l’invite, la prochaine fois que j’invite à l’échelon planétaire. Maman ! Maman !... Un paquet ! Double papier et double ficelle ! L’adresse est à l’intérieur de la serviette....»

Héraclès de Suède 251 Le Colonel, les mains au dos, un peu courbé, fixait les nuages à crinières qui chevauchaient parmi les nuages. Les tilleuls du promontoire menacés, derrière La Folie, montaient une garde d’ombres autour de leur Colonel. Il ne restait de lumière qu’au ciel, à la chevauchée des nuages. « Demain se répétait le Colonel, à onze heures, il n’y aura plus de Pontaincourt. Renvoyer ma croix, ce n’est pas laver cette tache sur mon honneur. Pontaincourt peut vivre sans croix ; il ne pourrait pas vivre sans honneur. Adieu, Belley, La Tour-du-Pin, Yssingeaux, Saint-Flour Adieu, Remiremont, Château-Salins ! Je vous ai perdus en perdant vos noms. Adieu, Liliane ! La Folie s’écroule. Le navire est à la dérive. Adieu, le mousse !» Une guitare, dans l’ombre: le Colonel se retourna. Nestor s’avançait, un paquet sur sa main, comme il portait le plateau du chocolat. L’honneur a ses révélations subites : c’était la chose ! Nestor coupa les ficelles, la serviette claire sortit du paquet. Le cahier était toujours dans la poche extérieure. - Qui a déposé ce paquet ? - Une dame en noir, a dit la concierge. Pontaincourt sourit. « Merci Catherine chanta le coeur du Colonel. sous la chevauchée des nuages. Il n’y a rien à craindre, douce Catherine ... Quelqu’un sauvera la France. Toujours quelqu’un, pour sauver la France ou Pontaincourt. Flottez, pavillons !» Au cintre des fenêtres, les masques de jeunes femmes, qui souriaient depuis deux siècles, avaient de la tristesse dans leur sourire. *

Héraclès de Suède 251<br />

Le Colonel, les mains au dos, un peu courbé, fixait les nuages à crinières<br />

qui chevauchaient parmi les nuages. Les tilleuls du promontoire<br />

menacés, derrière <strong>La</strong> <strong>Folie</strong>, montaient une garde d’ombres autour de leur<br />

Colonel. Il ne restait de lumière qu’au ciel, à la chevauchée des nuages. «<br />

Demain se répétait le Colonel, à onze heures, il n’y aura plus de Pontaincourt.<br />

Renvoyer ma croix, ce n’est pas laver cette tache sur mon honneur.<br />

Pontaincourt peut vivre sans croix ; il ne pourrait pas vivre sans honneur.<br />

Adieu, Belley, <strong>La</strong> Tour-du-Pin, Yssingeaux, Saint-Flour Adieu, Remiremont,<br />

Château-Salins ! Je vous ai perdus en perdant vos noms. Adieu,<br />

Liliane ! <strong>La</strong> <strong>Folie</strong> s’écroule. Le navire est à la dérive. Adieu, le mousse !»<br />

Une guitare, dans l’ombre: le Colonel se retourna. Nestor<br />

s’avançait, un paquet sur sa main, comme il portait le plateau du chocolat.<br />

L’honneur a ses révélations subites : c’était la chose !<br />

Nestor coupa les ficelles, la serviette claire sortit du paquet. Le cahier<br />

était toujours dans la poche extérieure.<br />

- Qui a déposé ce paquet ?<br />

- Une dame en noir, a dit la concierge.<br />

Pontaincourt sourit. « Merci Catherine chanta le coeur du Colonel.<br />

sous la chevauchée des nuages. Il n’y a rien à craindre, douce Catherine<br />

... Quelqu’un sauvera la France. Toujours quelqu’un, pour sauver la<br />

France ou Pontaincourt. Flottez, pavillons !»<br />

Au cintre des fenêtres, les masques de jeunes femmes, qui souriaient<br />

depuis deux siècles, avaient de la tristesse dans leur sourire.<br />

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