La Folie - MML Savin
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Chapitre XXVII Le grand amour À peine Mademoiselle Rubis rentrait-elle d’Auteuil, vers huit heures, ayant escaladé les sept étages à la file sans s’arrêter, à cause de ce pas d’homme derrière elle, comme d’un homme qui aurait juré de la rejoindre avant le septième ; le pas entre cinquième et sixième, elle au septième, et barricadée ! Quelque forcené, qui devait la suivre depuis le métro Plaisance ! Bon an mal an, elle pouvait compter sur deux ou trois forcenés de ce genre par an. Si elle atteignait le septième avant que le forcené fût au cinquième, il hésitait entre sixième et septième ; il frappait au septième, redescendait, frappait au hasard à l’une des trois portes du sixième, remontait, frappait, redescendait, attendait au cinquième, au troisième, et, d’étage en étage, descendait tous les étages. S’il avait dépassé le cinquième à l’instant où elle ouvrait sa porte, elle avait un planton à sa porte, comme un planton est de garde à la porte d’un Colonel. C’était un planton de plus ou moins d’endurance. Il y en avait de naïfs et de timides, qui ne frappaient qu’une fois, de façon discrète. D’autres frappaient à la volée, en télégraphistes. Le plus habile avait attendu plus d’une heure sur le palier, puis il avait crié d’une voix neutre, comme on crie dans un escalier : « Personne au septième ?» Le plus timide était resté une nuit contre la porte et n’avait pas osé frapper. Elle l’entendait respirer derrière la porte.
Le grand amour 239 Celui de ces huit heures (elle en était à son troisième depuis le début de l’année) montait avec tant d’ardeur qu’il avait glissé sur le parquet ciré du quatrième ; il était tombé ; sans cette chute, il la rejoignait avant le sixième. Un butor, celui-là ! Il frappait de ses deux poings à la porte, et d’un pied le bas de la porte, à briser la porte. Catherine, le coeur battant. Que faire, si le butor brisait la porte ? Mais le butor hurla « Catherine ! Catherine !» Et Catherine s’empressa d’ouvrir la porte. - Je t’en prie, ne hurle pas mon nom sur le palier. Tu n’étais qu’un imbécile, deviens-tu fou, Aristide ? Aristide était à peu près fou. À toutes les questions de Catherine, il n’avait qu’une réponse, qui était aussi une question : « Blanchonval ?» Immobile, il ne songeait même par à rouler le bar dans un sens ou dans l’autre ; il répétait : « Blanchonval ? Blanchonval ? » Quand Catherine put placer deux mots : - Qui est-ce, Blanchonval ? Ah, oui ... ce charmant garçon avec qui j’ai fait l’amour avant-hier. J’avais oublié son nom. - Avant-hier ? Si tu n’étais pas une grenouille, et pas même une grenouille, un têtard, tu dirais : hier et avant-hier. - Ce n’est pas avec Blanchonval que j’ai fait l’amour, hier ... - Avec qui as-tu fait l’amour ? - Hier, je n’ai pas fait l’amour. Ou bien j’ai oublié le garçon et le nom du garçon. Un têtard de grenouille a si peu de mémoire ... La jeune femme, toujours en noir à la ville, avait une impertinence au-delà d’un mousse. La hauteur, le mépris d’une élégante. - Si tu viens pour jeter ma pipe par la fenêtre, mes costumes, mes meubles, fais vite je n’ai pas de temps à perdre ce soir. Voici le bar à roulettes, si tu veux jouer aux roulettes. Amuse-toi sans moi. J’ai d’autres idées dans la tête. Je ne joue pas. - Blanchonval ? - Pose ta serviette, assieds-toi, au lieu de répéter Blanchonval, comme un imbécile ! Il consentit à s’asseoir, à poser sa serviette. - À propos de serviette, et des pyjamas que tu vas sortir de ta serviette, tu auras la gentillesse de me dire à quel adresse je dois renvoyer la pile de tes pyjamas. Sans quoi je les donnerai aux Soeurs de Saint Vincent de Paul. Elle lui envoya le Saint Vincent de Paul par le travers, sur le ton qu’aurait eu l’une de ces belles écouteuses, qui pâment au concert des
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d’un pied le bas de la porte, à briser la porte. Catherine, le coeur battant.<br />
Que faire, si le butor brisait la porte ? Mais le butor hurla « Catherine !<br />
Catherine !» Et Catherine s’empressa d’ouvrir la porte.<br />
- Je t’en prie, ne hurle pas mon nom sur le palier. Tu<br />
n’étais qu’un imbécile, deviens-tu fou, Aristide ?<br />
Aristide était à peu près fou. À toutes les questions de Catherine, il<br />
n’avait qu’une réponse, qui était aussi une question : « Blanchonval ?»<br />
Immobile, il ne songeait même par à rouler le bar dans un sens ou dans<br />
l’autre ; il répétait : « Blanchonval ? Blanchonval ? » Quand Catherine<br />
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- Qui est-ce, Blanchonval ? Ah, oui ... ce charmant garçon<br />
avec qui j’ai fait l’amour avant-hier. J’avais oublié son nom.<br />
- Avant-hier ? Si tu n’étais pas une grenouille, et pas même<br />
une grenouille, un têtard, tu dirais : hier et avant-hier.<br />
- Ce n’est pas avec Blanchonval que j’ai fait l’amour, hier<br />
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- Avec qui as-tu fait l’amour ?<br />
- Hier, je n’ai pas fait l’amour. Ou bien j’ai oublié le garçon<br />
et le nom du garçon. Un têtard de grenouille a si peu de mémoire ...<br />
<strong>La</strong> jeune femme, toujours en noir à la ville, avait une impertinence<br />
au-delà d’un mousse. <strong>La</strong> hauteur, le mépris d’une élégante.<br />
- Si tu viens pour jeter ma pipe par la fenêtre, mes costumes,<br />
mes meubles, fais vite je n’ai pas de temps à perdre ce soir. Voici le<br />
bar à roulettes, si tu veux jouer aux roulettes. Amuse-toi sans moi. J’ai<br />
d’autres idées dans la tête. Je ne joue pas.<br />
- Blanchonval ?<br />
- Pose ta serviette, assieds-toi, au lieu de répéter Blanchonval,<br />
comme un imbécile !<br />
Il consentit à s’asseoir, à poser sa serviette.<br />
- À propos de serviette, et des pyjamas que tu vas sortir de<br />
ta serviette, tu auras la gentillesse de me dire à quel adresse je dois renvoyer<br />
la pile de tes pyjamas. Sans quoi je les donnerai aux Soeurs de<br />
Saint Vincent de Paul.<br />
Elle lui envoya le Saint Vincent de Paul par le travers, sur le ton<br />
qu’aurait eu l’une de ces belles écouteuses, qui pâment au concert des