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La Folie - MML Savin

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236<br />

<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

Catherine noua ses mains derrière le cou du Colonel.<br />

- Tu crois ? Tu en es sûr ?<br />

- Je crois à la France, dit le Colonel. Je suis sûr que quelqu’un<br />

la sauvera.<br />

Il était Vidame, au plus droit, comme s’il avait eu un casque de<br />

pierre à panache sur la tête. Puis, songeant à la chose : « Si seulement<br />

j’avais retrouvé la chose ...» À l’idée de la chose, plus de casque ni de<br />

panache, des ombres, une terreur (c’était bien de la terreur) sur le visage.<br />

Le mousse à son cou, il serra de ses deux mains la taille fine :<br />

- J’aurais tant voulu rester, ce soir. J’avais un tel besoin de<br />

ta jeunesse, de ta tendresse ...<br />

- Pourquoi partir, caporal de mon coeur ?<br />

- C’est à cause de la chose. Il faut absolument que je retrouve<br />

la chose...<br />

Le Colonel, en sortant, aperçut, sur le trottoir d’en face, un homme<br />

qui faisait les cent pas, une serviette au bout du bras. « Il est encore là,<br />

celui-là !» fit le Colonel. Avant le souper, quand il inspectait la terrasse,<br />

le Colonel avait vu ce porteur de serviette, qui faisait déjà les cent pas. «<br />

C’est la mode. Tous les hommes aujourd’hui portent une serviette, et les<br />

femmes parlent de l’Europe. Autrefois, on ne portait pas de serviette et<br />

l’on ne parlait que de la France.»<br />

Au septième, toutes les lumières allumées sur le navire, un mousse<br />

ouvrait des placards et des tiroirs, mais ce n’était pas pour en retirer des<br />

pyjamas, des socquettes au des cravates. Des lettres, des livres de compte.<br />

Relire et déchirer, ou classer à part, un paquet de lettres, un autre, des<br />

factures, des quittances : de l’écriture et de la comptabilité ; le mousse<br />

avait autant de soin et de méthode qu’une femme d’affaires à ses affaires.<br />

Toute la nuit, il fut exact et diligent à ce service. Quand il disait au caporal<br />

: « Tout à l’heure », il ne se doutait pas qu’après le carré des officiers,<br />

il serait encore de triage et de comptabilité. À quel départ se préparait-on<br />

dans le navire, feux allumés ? Était-ce un proche départ ? Ou tout ce travail<br />

par prudence, afin que tout soit prêt en cas de départ ?<br />

Le mousse ne grimpa à son échelle qu’au moment de l’aube et<br />

s’allongea tout habillé sur sa couchette. Jumièges devait cueillir des roses<br />

dans sa lumière bien aimée. Mais l’aube que regardaient les yeux verts,<br />

de la couchette, n’avait pas la même lumière. « Il faut partir avant l’aube,<br />

si l’on part » se disait le mousse. C’est à l’aube, toujours, que la soldatesque<br />

défonce les portes et que l’on vous traîne vers la mort.» Le mousse

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