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La Folie - MML Savin

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En bateau 235<br />

- L’âme à l’envers ! s’écria le Colonel.. S’il n’y avait que<br />

l’âme !..<br />

Il n’était donc pas question d’amour ni de jalousie, qui auraient mis<br />

son âme à l’envers. Alors, Catherine, comme si elle ne parlait que pour<br />

elle, sur le pont d’un paquebots au crépuscule :<br />

- Est-il vrai que nous allons avoir la guerre ?<br />

Le Colonel bomba le torse :<br />

- <strong>La</strong> guerre ? Eh bien, nous la gagnerons ! Weygand le disait<br />

l’autre jour, dans un toast au Cercle Militaire : « Qu’on y prenne<br />

garde ! Nous contraindre à la guerre, c’est nous contraindre à la victoire<br />

!» Noble parole, digne du lieutenant et du successeur de Foch !<br />

- Ce serait peut-être la fin de l’Europe... murmura Catherine.<br />

- <strong>La</strong> fin de l’Europe ? Peut-être. Mais la victoire de<br />

l’armée française !<br />

Catherine s’était assise sur un échelon de la petite échelle qui<br />

n’était plus celle de l’amour mais une échelle de paquebot. Dans ses yeux<br />

d’océan la lueur éclairait le crépuscule d’un monde.<br />

- Tu ne m’avais jamais parlé de l’Europe, dit 1e Colonel.<br />

Est-ce que les femmes, maintenant, se préoccupent de l’Europe ?<br />

- J’ai peur du bruit des bottes, dit-elle.<br />

- Mais les bottes françaises ne font pas un bruit de bottes.<br />

Le Colonel n’était pas mécontent de sa formule; elle non plus<br />

n’était pas indigne de Foch.<br />

- Ce n’est pas des Français que j’ai peur, dit Catherine.<br />

- Par conséquent, enchaîna le Colonel, tu n’as pas à avoir<br />

peur. Quelle armée résisterait à l’armée française ? Est-ce que nous ne<br />

sommes pas là pour la défendre, ton Europe ?<br />

- <strong>La</strong> paix nous défend mieux qu’une armée.<br />

Le Colonel s’étonna de la formule. <strong>La</strong> même avait fleuri, l’autre<br />

soir, sur des lèvres pontificales. Sans la garantie d’un pontife qui était<br />

comme amoureux de la France, elle aurait témoigné d’un peu<br />

d’irrévérence envers l’armée française. Le Colonel se tira le doigts. Cette<br />

Catherine, qui n’ouvrait jamais un journal, et qui, tout à coup, vous avait<br />

des formules, comme un évêque ! Il lui donna un semblant de tape sur<br />

une joue, paternel plus que Colonel :<br />

- Allons ! petit mousse ! Nous la sauverons, ton Europe !<br />

Par les armes, s’il le faut. Ou sans les armes. Souviens-toi de ce que je<br />

vais te dire, et garde-le comme un grand secret : quelqu’un sauvera la<br />

France. Et s’il sauve la France, il sauvera l’Europe. Parce que toujours<br />

quelqu’un a sauvé la France.

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