La Folie - MML Savin

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La Folie
C’était pour cacher des filles d’amour, comme on cache des lettes dans un
secrétaire. Les filles non plus n’en valaient pas toujours la peine. Un silence,
une feuille d’or. Pensant pour soi, à haute voix : Vieux meubles,
vieux immeubles ! Celui pour qui j’ai remonté le secrétaire ne reçoit pas
de lettres d’amour. Le Colonel Pivoine n’a rien à cacher, ni point de filles
à recevoir. Il ne doit aimer que la patrie.
- Pour ça, on peut dire qu’il l’aime ! Il est Colonel !
Elle avait rangé les serviettes, bâclé le reste du ménage. Elle avait
besoin d’être toute à elle, pour méditer et ranger tant de nouvelles, plus
précieuses que les serviettes de Monsieur Jacques. « Et dire, disait-elle au
second bol, que cette nuit, quand j’ai vu Nestor qui nous faisait son numéro,
je n’ai pas eu plus d’idée qu’une bûche, moins d’idée qu’Arthur,
qui n’en a pas ! C’est à démissionner ! Je ne mérite plus d’être concierge.
Parce que là, rapport à Nestor, j’en suis sûre et certaine. Il était sous la
cochère. On l’a vu, on ne l’a plus vu. C’est donc qu’il est revenu, discrètement,
à La Folie. Et de là... je ne dis rien, je ne veux pas penser à ces
deux étages de caves, mais j’y pense, et comment n’y penserais-je pas ?
Ce garçon ne descendait pas de la lune, bien qu’il soit un peu sorcier. Il
avait pris un souterrain, il est sorti du souterrain, près du pont ; il ne lui
restait plus qu’à descendre du pont par l’escalier, se tortiller, que tout cela
c’était bien plaisant à regarder, mais ça n’avait ni queue ni tête. Comme
au théâtre. Ce qui est grave, car c’est grave : s’ils entrent, s’ils sortent, par
des couloirs souterrains, de quoi que je suis concierge, alors ? Autant dire
: la concierge des courants d’air !...»
Il ne restait ni pain, ni lait, ni beurre. Une larme de café, de quoi
rincer le bol. Ce n’était pas assez pour réfléchir.
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