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La Folie - MML Savin

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<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

que l’on puisse aimez l’aube ni l’aurore Quand la lampe était inutile il<br />

éteignait la lampe sans interrompre l’étude. Un matin, il avait aperçu<br />

l’aube à travers les vitres. Il avait éteint sa lampe pour mieux voir la clarté<br />

de l’aube, pour la regarder comme on regarderait un visage. Il était<br />

tombé amoureux de ce visage du ciel.<br />

Il était alors un professeur célèbre, c’est-à-dire un nom connu de<br />

deux ou trois mille hommes parmi tous les hommes de la terre, une dizaine<br />

de livres dont on citait les titres, un fauteuil à l’Académie des<br />

Sciences. Il avait formé une douzaine d’élèves dont quelques uns le vénéraient.<br />

Il était au penchant de l’âge. Il avait failli aimer, se marier. Mais<br />

que de temps perdu si l’on aimait, que de complication dans un ménage,<br />

une femme et des enfants ! À la dignité de sa vie, à la régularité de ses<br />

moeurs, on le croyait veuf. Il avait seulement remis d’aimer, de se marier.<br />

Peut-être, s’il avait aperçu un visage de femme à travers les vitres,<br />

serait-il tombé amoureux de ce visage. Le cas n’est pas rare. Peut-être<br />

aussi avait-il fallu qu’il vint habiter cette maison déserte entre deux jardins,<br />

les vitres du bureau face à l’aurore, pour découvrir qu’il y avait<br />

l’aube et l’aurore.<br />

Quand il avait loué la maison, il n’avait considéré que le nombre<br />

des pièces et la possibilité d’y installer ses collections de botanistes Deux<br />

jardins ! Ils étalent voués au désordre de l’herbe et de la broussaille, il ne<br />

se souciait pas de payer un jardinier pour les entretenir. Mais dès le premier<br />

matin où il avait éteint la lampe pour mieux voir, il descendit dans<br />

son jardin où l’aube était toute l’aube et non plus cette aube à travers les<br />

vitres. Une aube sur un jardin de ronces ! Cela n’est pas convenable.<br />

Il décida de mettre un semblant d’ordre en ce jardin. Il acheta ce<br />

qu’il fallait, pelle et pioche, sécateur et râteau. Il revint plus tôt du laboratoire<br />

pour débroussailler. Il retourna la terre, arracha les herbes méchantes,<br />

traça des allées ; il greffa des églantiers qui avaient été des rosiers<br />

jadis, il planta d’autres rosiers. Il se réjouit d’avoir deux jardins puisqu’il<br />

était maintenant jardinier.<br />

Il descendait chaque matin, à l’aube, qui était l’aube et l’aurore,<br />

sur un vrai jardin. Il faisait sa cour à l’aube en travaillant à son jardin<br />

C’était unir le travail à l’amour, l’ancienne passion à la nouvelle. Il aima<br />

toutes ces fleurs, parce qu’elles étaient des fleurs dans l’aurore. Il leur<br />

devait bien cela. C’était elles qui l’avaient désigné au Collège de France,<br />

à l’Académie.

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