La Folie - MML Savin

Chapitre XXV
L’Assassin des roses
Ce n’était plus tout à fait le clair de lune. La lune portait des ombres,
l’aube portait d’autres ombres, en sens inverse, vagues d’abord, aux
contours de cendre légère, puis ce fut le tour des premières à n’être plus
qu’un peu de cendre avant de se dissiper dans de l’aurore. Jumièges regarda
le ciel. Ce n’était plus la peine de se coucher,
Malgré l’âge (il était plus près de soixante-dix que de soixante), il
restait fidèle à son lever d’aube ou d’avant l’aube. Il aurait été dormeur,
par sa nature. Même à son âge il ne comptait que sur la sonnerie de son
réveil pour se réveiller ; et toujours un mouvement de courage à sauter du
lit, comme s’il préparait quelque concours. Si, moins prompt à sauter, il
lui arrivait de se rendormir, il s’en voulait d’avoir manqué l’aube et
l’aurore. C’était une journée manquée. Quand on lui conseillait de
s’accorder quelque paresse, sous le prétexte qu’il avait passé depuis longtemps
tous les concours : « Il ne me reste plus de concours ; disait-il. J’en
suis bien aise, rien de plus sot que les concours. Mais il me reste à vivre.
J’aime de plus en plus la vie.»
Il aurait pu dire qu’il avait appris à l’aimer. D’abord étudiant de
trop de zèle, il n’avait aimé que l’étude. C’était pour étudier qu’il se levait
régulièrement à cinq heures. Penché sur ses livres, il ne songeait pas