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La Folie - MML Savin

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<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

dement, balbutiant : mon Colonel ; et lui répondait d’un doigt, à la gaillarde.<br />

Il disait encore : « J’ai ma bauge, comme un sanglier.» Mais quelle<br />

bauge ! On cherchait le château, rue du Château. Et quel autre château<br />

que cette élégante et fragile demeure, en retrait, qui était la bauge du Colonel<br />

? On entrait au 13 de la rue, par la cochère ; on se tordait les pieds à<br />

franchir la cour. Un puits plus qu’une cour ! Mais il y avait cette trouée, à<br />

gauche : deux arbres, une grille, une sorte de sentier qui montait entre des<br />

iris, un début de parc ou de campagne. C’était là. Une façade si simple<br />

qu’il n’y avait rien de plus simple ; de la symétrie, qui n’était pas vulgaire<br />

; un perron qui avait de la grâce. <strong>La</strong> porte souriait sous le fronton.<br />

Deux et deux fenêtres au rez-de-chaussée comme à l’étage ; une balustrade<br />

au-dessus, qui cachait le toit, cuirasses et casques de pierre parmi<br />

fleurs et flèches de pierre, autant dire la guerre et l’amour. Le tout combiné,<br />

calculé, policé, comme le guerrier avait dû l’être par l’amour. C’était<br />

un retour de guerre et de victoire à la guerre ; le guerrier bien aise, à<br />

l’amour, d’être encore le vainqueur et le vaincu.<br />

Par derrière, la façade sur le jardin, ce n’était que cintres, comme<br />

l’émerveillement des yeux qui s’ouvrent. Jadis, sans doute, un bassin, un<br />

parc, du mystère et de l’horizon, comme il en faut à l’amour. Ce n’était<br />

plus qu’un semblant de jardin, qui cédait au terrain vague.<br />

Quand le Colonel cherchait sa clef, tournait sa clef, du perron à la<br />

balustrade : « Garde à vous ! » Les pierres avaient de l’égard à leur noblesse.<br />

Hélas ! porte fermée, on ne pouvait feindre d’ignorer qu’il y avait<br />

de la fissure partout, de la crevasse et de l’abandon. <strong>La</strong> balustrade ne tenait<br />

plus que par raison. Tout craquait et se révoltait, la pierre contre la<br />

pierre. Comme un visage heureux après de longs chagrin, la fierté tient<br />

bon.<br />

Le Colonel, mieux que la pierre, résistait. « Colonel toujours! »<br />

c’est la devise d’un Colonel, même à deux galons d’argent sur les cinq.<br />

Un soir de moustaches, frisant et torturant sa moustache :<br />

- Nestor ! cria le Colonel.<br />

- Mon Colonel !<br />

- C’est bon ! C’est bon !.. conclut le Colonel. Nestor !<br />

Qu’est-ce qu’il veulent dire avec leur lieutenant-Colonel ? Si je tiens lieu,<br />

je suis. Je suis donc Colonel.<br />

- Bien, mon Colonel répondit Nestor.<br />

- Repos, Nestor. Puisque je suis Colonel ... Puis, arpentant<br />

et maugréant : Ces gredins du Ministère ! J’ai toujours été Colonel !<br />

Sous-lieutenant, j’étais Colonel ! Je suis Colonel par la grâce de Dieu, si<br />

Dieu existe. Et si Dieu n’existe pas, je suis encore Colonel ! <strong>La</strong> voilà<br />

bien, leur sacrée république !

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