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La Folie - MML Savin

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<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

le plus fragile, le plus contesté, qu’il avait tout contre qui : le souvenir de<br />

l’émeute ou du désastre qui en avait permis l’avènement, l’irritation des<br />

classes titrées ou possédantes, l’ambition des hommes politiques, même<br />

républicains, les nécessités du pouvoir civil et militaire, l’esprit de lucre,<br />

l’insouciance des travailleurs, l’amour invincible des jouissances qui est<br />

en nous tous, gouvernés et gouvernants.<br />

Quand le pousseur de wagons, un soir, avait lu dans des morceaux<br />

choisis de Montesquieu que Visconti lui avait prêtés, que la République<br />

ne pouvait tenir que par la vertu, Fournier en avait fait trois fois le tour de<br />

sa chambre, stupéfait de lire ce qu’il pensait, à part soi, quand il était<br />

troupier à la caserne de Pontivy. Son expérience de la vie, la fréquentation<br />

de ses camarades, avaient confirmé son jugement sévère de simple<br />

troupier ; Que des républicains soient au gouvernement de la République,<br />

cela ne changeait presque rien. Cela ne dispensait point de veiller sur la<br />

République. Quand un socialiste lui vantait L’Armée Nouvelle de Jaurés,<br />

quand on débitait des phrases sur les généraux républicains, sur l’armée<br />

populaire, Fournier éclatait de rire. « J’ai du respect pour Jaurès, disait-il.<br />

Il a autant d’esprit que de courage. C’est un républicain selon mon coeur.<br />

Mais quel grand naïf d’aller imaginer qu’un caporal, oui, pas plus haut<br />

que le caporal, puisse être un caporal républicain ! On voit bien qu’il n’a<br />

pas été à la caserne.»<br />

Le socialiste ne manquait pas de réplique : « Autrement dit, tu es<br />

anarchiste, tu supprimes l’armée et la police, il n’y a plus de frontières.<br />

plus de nations.» Têtes de linottes que vous êtes, répondait Fournier.<br />

Pourquoi ne me demandes-tu pas aussi si je supprime les Halles et les<br />

chemins de fer, les choux-fleurs et la marée, la colère et le mauvais<br />

temps ? J’ai besoin du sergent de ville et par conséquent du Préfet de police.<br />

Je ne supprime rien. Vous, si vous décidiez de débaptiser les<br />

choux-fleurs et la tempête, vous penseriez sans doute que vous les avez<br />

supprimés...<br />

Ce n’étaient pas des propos à se faire recommander par un député<br />

socialiste. Mais un pousse-wagon s’il pousse, peut se moquer des recommandations.<br />

<strong>La</strong> S.P.E.H. naquit place Maubert, de ce cours que Visconti avait<br />

confié à Fournier, moins d’auditeurs encore à celui-là qu’à tous les autres.<br />

<strong>La</strong> Section de la Lune la première et d’abord la seule, Visconti et<br />

Fournier, habitant tous les deux le Quatorzième. Le recrutement se fit de<br />

proche en proche. Il ne s’agissait pas de prêcher et de convertir, mais de<br />

reconnaître. Fidèle à son idée, Fournier se méfiait des convertis. Une de<br />

ses formules « Débaptiser ou baptiser, du pareil au même.» Il ne fallait<br />

que grouper ceux de la même complexion politique. Ceux qui ne saisis-

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