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La Folie - MML Savin

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Pousse-Wagon 193<br />

au zèle et à la vigilance de la Bretonne, qui astiquait tout le jour en diverses<br />

familles bourgeoises et, le soir, astiquait encore chez elle, son Fournier<br />

à des réunions syndicales ou à l’université populaire. Mme Fournier<br />

était la perle des femmes de ménages Ceux qui l’avaient engagée, par<br />

hasard, se promettaient bien de ne plus en avoir d’autre. Cirer, laver,<br />

brosser, l’argenterie et les vitres, de tout ce qui est un ménage elle faisait<br />

une affaire personnelle. Une maniaque de l’honnêteté qui rendait compte<br />

d’un sou ! <strong>La</strong> même honnêteté, les mêmes vertus d’ordre chez son Fournier<br />

qui, à peine débarqué, avait senti le désir de s’instruire, non pour parader<br />

mais pour mieux comprendre, et ce qu’il voulait comprendre surtout<br />

: la société des hommes, pourquoi Pontivy n’était point Paris,<br />

l’autorité et l’obéissance, le dedans de l’ordre, l’armée, l’administration,<br />

la police, ce que c’est qu’un préfet, ce que peut un ministre, la différence<br />

entre un officier et un sous-officier.<br />

Ce qui l’avait choqué, au régiment : c’est que tant de garçons, de<br />

tous les milieux, certains nantis de diplômes, aient si peu le goût de comprendre.<br />

<strong>La</strong> belote et la bagatelle, rien au-delà. Un aîné de Chemin de Fer<br />

l’avait introduit, un soir, place Maubert, à l’université populaire où quelques<br />

professeurs, quelques uns du Collège de France, enseignaient les<br />

rudiments de la Physique, de l’Économie, de l’Astronomie. Il revint tous<br />

les soirs place Maubert. Le public, peu nombreux. principalement composé<br />

d’autres professeurs et d’étudiants ; les prolétaires, comme on disait<br />

fort rares, vite découragés, se retenant de bailler, et retournant après<br />

quelques séances à leur belote ou à la bagatelle. C’est à Maubert que<br />

Fournier avait connu Jumièges, déjà professeur, plus tard Gaudeau-Barmier<br />

et Richard encore lycéens. Il lisait la nuit les livres qu’on<br />

lut prêtait. Il se privait d’apéritifs et de tabac pour se monter une bibliothèque.<br />

Le vieux Visconti, qui avait une chaire de Géographie Méditerranéenne<br />

au Collège de France et qui présidait place Maubert, lui confia un<br />

cours de Politique à l’université populaire, et rien ne parut plus naturel.<br />

Fournier avait tâté du syndicalisme et s’aperçut assez rapidement,<br />

non sans surprise, que ses jugements de Politique effarouchaient. On ne<br />

pouvait l’accuser de raisonner en bourgeois mais il bousculait les dogmes<br />

; même sa façon de parler, qui séduisait, ne respectait pas les rites.<br />

On regrettait de l’avoir applaudi. « Vous, vous chantez la messe, leur disait<br />

Fournier. J’ai été enfant de choeur dans mon village, et jamais je ne<br />

chanterai plus de messe, la syndicaliste ou la socialiste pas plus que les<br />

autres.» Sa grande idée, à laquelle il revenait toujours, était que la République<br />

était sans cesse en danger de ne plus être la République, qu’à chaque<br />

fois elle n’avait été établie et acceptée que par chance, à l’occasion<br />

d’un désastre ou d’une émeute parisienne, que c’était le régime politique

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