La Folie - MML Savin

Chapitre XX1V
Pousse-Wagon
On disait la Section de la Lune en parlant des Protecteurs du XIVe
arrondissement de Paris, parce que les treize, qui venaient de se rassembler
chez Jumièges, tenaient leurs séances ordinaires au Bar de la Lune
qui était un bar au 4 de la rue du Château, à droite donc en venant de Pasteur,
à hauteur du passage Alexandre, et le trottoir qui n’était pas celui de
la Langouste. Cette lune, du bar et de la section, n’était pas un symbole,
une occasion de plaisanteries, tout au plus, et toutes si vieilles qu’elles
étaient plus poétiques que malveillantes. De même, il n’y avait rien de
calculé dans le nombre des Protecteurs, qui étaient treize par la seule raison
qu’ils n’étaient plus quatorze depuis la mort du vieux Fournier, qui
avait été l’un des fondateurs de la S.P.E.H. et la tête pensante de toute la
ligue aussi longtemps qu’il avait vécu.
Le nom de Fournier restait lié à la Section de la Lune où l’illustre
Protecteur avait créé une sorte de tradition. C’était la section des penseurs.
« Qu’en pense la Lune ?» Une question que l’on se posait souvent
à Grenelle ou à Pantin. À la fondation, en 1906, Fournier n’était qu’un
pousse-wagon à la gare Montparnasse et se souvenait d’y avoir débarqué
quelques années auparavant un balluchon à la main pour toute fortune. Il
arrivait de son Pontivy natal et c’était la première fois qu’il prenait le
train. Ayant trouvé de l’emploi au débarquer, il n’avait pour ainsi dire
jamais quitté la gare. Marié bientôt à une payse, il habitait un petit appartement.
rue de l’Ouest, qui était un bijou de propreté méticuleuse, grâce