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La Folie - MML Savin

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<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

leva la main pour demander la parole. « C’est un coup des curés !» On le<br />

pressa de présenter ses preuves. Il n’avait qu’une conviction, mais si<br />

forte : « Les curés sont toujours dans le coup.» <strong>La</strong> solution parut trop générale.<br />

« Qui demande la parole ?» Tous l’auraient demandée, mais ce<br />

n’eut été que pour dire qu’ils n’avaient que des solutions trop générales.<br />

Jumièges attendait les révélations de Lebuhotel. « Lebuhotel, je vous<br />

donne la parole.» Mais Lebuhotel ne s’avança qu’à proposer une commission<br />

de trois Protecteurs, que l’on chargerait de poursuivre l’enquête.<br />

C’était l’avis de Gaudot à qui la proposition semblait sage. Par vote à<br />

bulletins secrets (c’est la règle) on désignerait trois noms qui furent Jumièges,<br />

Lebuhotel et Gaudot. Deux bulletins blancs (Justin et Bouvin, on<br />

ne se trompe plus sur l’origine .)<br />

Le Professeur en était à cet endroit de son récit, expliquant qu’il ne<br />

restait plus qu’à lever la séance et brûler les bulletins de vote dans la<br />

cheminée. Il contait si bien que l’on assistait à la séance. Ilse, dans son<br />

fauteuil, se représentait les gestes, les mines, les exclamations. Moser<br />

mimait en véritable acteur, changeant de ton à chaque personnage, passant<br />

tous les discours à son sabir, qui relevait tout, donnait de la couleur<br />

et du pittoresque aux moindres réparties, une sorte de comique ou de diablerie.<br />

Ilse battait des mains, s’animait, souriait a chacun de ces Protecteurs<br />

qu’elle connaissait depuis tant d’années. Elle ne savait plus si cette<br />

salle à manger, où elle écoutait le Professeur était celle de Jumièges ou la<br />

leur, deux couverts seulement sur la nappe, le repas oublié, mais elle<br />

n’oubliait pas la République en danger et, malgré la bonne humeur de son<br />

père, elle partageait les inquiétudes de Lebuhotel et de Gaudot-Barmier.<br />

Elle avait de la sympathie pour l’un et pour l’autre, à ne pouvoir dire qui<br />

des deux elle préférait. Jumièges levant la séance, Moser se leva, Ilse<br />

aussi se leva, et c’est alors qu’ils s’aperçurent de cette fumée qui n’était<br />

pas celle des bulletins de vote, mais une âcre fumée qui filtrait par les<br />

jointures de la porte. Ilse ne se souvenait même pas d’avoir fermé cette<br />

porte derrière elle !<br />

Elle bondit à la porte et l’ouvrit : « Ma soupe ! Ma soupe au lait !»<br />

Une fumée, comme d’un volcan, roula de la cuisine à la salle à<br />

manger. Et quelle odeur ! L’odeur de pourriture, dont Lebuhotel se protégeait<br />

avec sa pipe, n’était qu’un parfum, comparée à cette odeur-là ! Ce<br />

n’était plus l’odeur du lait qui vient de verser, qui avertit qu’une fois de<br />

plus le lait a versé et que l’on a tort de s’éloigner, fût-ce à deux pas,<br />

quand on devrait surveiller le lait ; une odeur qui n’est que ménagère et,<br />

pour ainsi dire, quotidienne. L’odeur qui roulait du volcan, à volutes

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