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La Folie - MML Savin

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<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

socquettes, le représentant délégué avait si bien choisi qu’il n’était plus<br />

nécessaire de choisir.<br />

« Six heures ! À force de baguenauder... Monsieur le Professeur,<br />

j’ai bien l’honneur... Comment vais-je dire ? J’aime votre fille... Il le<br />

sait ; il n’est pas aveugle, le professeur ! Cela doit se voir. Et puis ... on<br />

peut aimer sans épouser... C’est vrai que j’épouse ! Jacques ! As-tu appris<br />

la nouvelle ? Tu épouses... Je n’aurais jamais cru cela de toi. Il faut que<br />

ce soit toi qui m’apprennes la nouvelle. Puisque tu épouses, dis-moi<br />

comment on demande la main d’une demoiselle à Monsieur son père !.. »<br />

Le complet sur Jacques, Jacques à peu près dans le complet. Même<br />

un complet qui va comme il allait, à la perfection du complet, ce n’est pas<br />

tout. On y pense, ne serait-ce que pour penser qu’il va. Mouchoir, clefs,<br />

portefeuille ; des intrus, à qui le complet résiste. Les souliers de même ;<br />

souples comme gants ; oui ; des gants neufs. L’idée du mariage aussi est<br />

une idée neuve. Il avait raison, le Norvégien !<br />

À la porte du professeur, il commence à sentir que le complet sera<br />

le sien, les souliers les siens, Ilse sa femme. « Ilse, ma femme !» Il ne<br />

s’est jamais dit ces mots. Ilse a ouvert la porte. Un peu plus, il lui disait :<br />

« Ilse, ma femme !» pour entendre le son des mots.<br />

- Le Professeur Gunther-Amédée Moser aurait-il la bonté<br />

de me recevoir ?<br />

Une révérence, à l’allemande. Les fantaisies de son Jacques sont<br />

innombrables ; il ne dit jamais rien comme un autre dirait.<br />

- Entre, Jacques. Ne reste pas sur le palier.<br />

- Excusez-moi, Mademoiselle. Ce n’est pas vous que je<br />

viens voir. J’ai l’honneur de solliciter de Monsieur votre père un entretien<br />

privé d’une durée de cinq minutes. Une minute suffirait. Cinq, on aura le<br />

temps de s’asseoir et d’échanger quelques propos sur la circonstance.<br />

Ilse, en s’en allant vers la cuisine :<br />

- Ne laisse pas la porte ouverte, Jacques ; entre. Tu ne veux<br />

pas entrer ?<br />

Jacques ne bouge pas de son paillasson.<br />

- Je ne joue pas, Ilsou. <strong>La</strong> circonstance est tout à fait désagréable<br />

; je t’expliquerai. J’ai besoin de parler à ton père, seul à seul. Pas<br />

plus d’une minute, mais une minute. Ce sont de ces choses qui n’arrivent<br />

qu’une fois dans la vie. Heureusement je ne suis pas fait pour les circonstances.<br />

Je te prie de m’annoncer à ton père.<br />

Ilse, le visage chaviré, devant un Jacques sérieux, presque sévère.<br />

- C’est donc grave ?<br />

- Oui, c’est grave ... Enfin, ce n’est pas une plaisanterie.

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