La Folie - MML Savin

Chapitre III
Les lichettes
Il se passait des choses. C’est ainsi que la Langouste, concierge du
13, interprétait les signes. Il faut être vieux dans le métier pour savoir que
les signes sont des signes, sans même savoir exactement de quoi.
Que le Colonel Saurin (Léonidas) fût rentré le 25 juin 1939 à peu
près une demie avant quatre heures, puisque le soleil, ce jour-là se levait à
3 h. 49 (temps civil de Greenwich), cela ne pouvait bouleverser que la
Langouste. Elle récapitulait : « Voyons ! Je n’ai pas la berlue ! Il ne sortait
pas... Il rentrait... Il ne sortait pas, puisqu’il est rentré. Je vois encore
la porte ouverte à deux battants et le Colonel qui rentre, précédé de Nestor,
là-bas, vers les deux platanes. Oui. Oui.»
Elle revenait près de la colonne de droite. C’était de là, tout à coup,
qu’elle avait vu le Colonel. « Mais alors, il était à ma gauche. Donc...
donc... il a fallu qu’il passe devant moi, qu’il me bouche quasiment la
vue, et je ne l’ai pas vu !.. J’ai plutôt l’impression qu’il était à ma droite,
et que c’est là que je l’ai vu, tout rose qu’il était ; que je me suis dit : Ce
qu’il est rose, le Colonel ! Pardi... S’il arrivait de Pasteur, c’est le ciel
qu’il avait sur la figure, pas plus ! Le ciel était rose comme une rose,
au-dessus du pont.» Elle traînait son balai (un coup de ci ; un coup de là).
Elle calculait exactement 1a place de son pliant. Elle reprenait cette figure
qu’elle avait en regardant Nestor. Elle marchait quelques pas sur le trottoir,
histoire de balayer, et revenait vers le 13, comme le Colonel s’il re-