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La Folie - MML Savin

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<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

courages ? Quand on serait assuré de se battre en pure perte, n’y aurait-il<br />

plus de joie à se battre ? Tout est joie, quand on entreprend pour la patrie.<br />

Séchez vos larmes ; marchez, poussez sans peur, s’était écrié Monseigneur.»<br />

Il faut avouer que les ombres redoublaient sur le visage du Colonel.<br />

Ou bien le Colonel pleurait la mort de la patrie (Mais comment la patrie<br />

pouvait-elle mourir tant qu’il restait un Colonel ?) ou bien d’autres ombres,<br />

d’autres larmes se mêlaient aux larmes d’ombre.<br />

Liliane prit sur elle de rompre le silence. Elle n’avait jamais bu de<br />

café turc. Le Colonel se prêta volontiers à l’interrogatoire, et, comme le<br />

café turc exigeait presque autant de soins que la toilette, le seul exposé de<br />

la recette ranima le Colonel et chassa les ombres. Il avait retrouvé le ton<br />

de Léonidas ou d’Achille pour annoncer :<br />

- Et maintenant, Liliane, une surprise. Ce ne serait plus une<br />

surprise si je disais laquelle. Si tu veux savoir, accepte le bras de ton<br />

grand-père. Nestor ! Où diable se cache ce Nestor ? Nestor !<br />

<strong>La</strong> voix roula comme un tonnerre. Un Nestor surgit, glissa, se rétablit<br />

à l’équilibre.<br />

- Mon Colonel !<br />

- Le chapeau de Mademoiselle, Nestor. Mon chapeau, ma<br />

canne et mes gants.<br />

À la cochère, on aurait dit un sous-lieutenant, retour d’Afrique, la<br />

canne derrière son dos, le refrain Beau Soleil au semblant de moustache.<br />

Si nettement rasé et poncé, le teint si vif, si frais, qu’il était plus Achille<br />

imberbe que grave Léonidas.<br />

Quand le couple eut tourné au boulevard de Vaugirard, la <strong>La</strong>ngouste<br />

revint de son poste d’observation :<br />

- Arthur ! Tu avais raison.<br />

Arthur en fit un rond de bouche, stupéfait d’avoir eu raison.<br />

- Ce ne peut être que la petite demoiselle du Colonel. Arthur<br />

ricana :<br />

- <strong>La</strong> petite demoiselle...<br />

- Ne fais pas l’idiot, Arthur. <strong>La</strong> petite-fille, quoi ! Tu ne<br />

vois pas le Colonel avec une demoiselle qui ne serait pas sa petite-fille ...<br />

Tout de même, c’est un Colonel ! C’est vrai qu’il était bien fringant, le<br />

Colonel. Quel bel homme ! S’il voulait encore des femmes, il en aurait.<br />

Pas comme toi, mon pauvre Arthur. Si tu ne m’avais pas ...<br />

- Que je les tomberais toutes, moi ! Faudrait voir ...<br />

- C’est tout vu. D’abord, il ne s’agit pas de toi, mais de la<br />

demoiselle. Dieu ! Que c’est laid, cet habit des bonnes soeurs ! Et les

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