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La Folie - MML Savin

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<strong>La</strong> salopette 125<br />

Jacques avait-il souhaité la vérification ? C’était un problème plus<br />

compliqué que celui de la courbure. Jacques aurait répondu qu’il sentait<br />

parfois une étrange parenté entre désirer et dessiner, car il arrive qu’on<br />

dessine parce qu’on désire, aussi qu’on se mette à désirer parce qu’on<br />

dessine. Les caresses de Jacques avaient quelque chose de grave et de<br />

réfléchi. Il était tout entier Jacques à caresser comme à dessiner. Sa plus<br />

grande ferveur avait besoin de sa lucidité, ce qui le séparait irréparablement<br />

de certaines partenaires. Quelle partenaire eût été la courbure à<br />

l’auréole ? Jacques y avait songé, la dessinant. <strong>La</strong> certitude de retrouver<br />

Ilse dans une heure, libre de toute sa nuit par la grâce philologique d’un<br />

congrès, ne l’avait pas détourné d’y songer. Il y aurait songé malgré lui,<br />

et Jacques répugnait aux faux-fuyants. Pourquoi se nier à soi-même qu’il<br />

éprouvait de l’attirance ?<br />

« Ilse, si petite qu’elle blottit sa frimousse au creux de mon estomac,<br />

l’adorable ceinture de ses bras à peine à ma ceinture ... Celle-là,<br />

songeait-il, tout juste un peu moins grande que moi, qu’elle est grande !<br />

D’autant que ces horrifiantes godasses ont des talons plats... Elle a la<br />

taille de son nu, à deux centimètres de différence. Elle permet la cérémonie<br />

du baiser debout. À son premier baiser, Ilse déjà couchée à côté de<br />

moi ; Ilse que je porte et que je berce entre mes bras ! qui sera peut-être<br />

ma femme (je n’en sais rien), qui sera toujours mon enfant. Mais cette<br />

Demoiselle la pensionnaire, holà ! ce serait une toute autre politique. Ilse,<br />

quand elle s’endort, sur moi s’endort, son souffle à mon épaule et ses bras<br />

sous mes bras. J’ai cette Ève enfant, toute sur moi, qui ne pèse qu’un<br />

poids d’enfant, qu’on a dû tirer de moi sans que je m’en aperçoive. C’est<br />

Ilse, et ce n’est pourtant que moi. J’étoufferais sous le poids de la Demoiselle.<br />

Nous dormirions cote à côte après l’amour, comme dorment deux<br />

gisants, comte et comtesse, un lion aux pieds du comte, un tigre à ceux de<br />

la comtesse. Je n’ai rien du comte, mais elle a beaucoup de la comtesse. Il<br />

me déplairait d’être lion ; elle serait facilement tigresse. Elle griffera dans<br />

l’amour, ronronnera et rugira. C’est qu’elle a de la poitrine, la conventine<br />

! Cette masse de marbre, d’une seule masse à deux seins, quel sein ! Pauvre<br />

Ilsou, qui n’a presque pas de seins... Je l’appelle mon petit garçon<br />

Ganymède (à cause du récitatif somptuosissimo du Professeur Moser), je<br />

lui raconte qu’elle est un moussaillon, un apprenti de la Marine que j’ai<br />

volé à la Marine, et c’est vrai qu’elle est mon cadet et mon camarade, que<br />

j’oublie, qu’elle oublie qu’elle est femme, qu’elle veut tout ce que je<br />

veux, mais elle ne veut être que mon camarade. <strong>La</strong> tigresse croit peut-être<br />

qu’elle est demoiselle. C’est une femme. Fut-elle jamais demoiselle ?<br />

Jeune, comme Vénus est jeune ; qui ferait semblant d’être une enfant ; on<br />

s’y laisserait prendre...»

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