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La Folie - MML Savin

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<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

Il démontrait. Il ouvrait ; il fermait. Il enseignait l’ordre, qui faisait<br />

tout le secret : « D’un tiroir à l’autre, il y a un ordre, disait-il, comme il y<br />

a un ordre du secret et de la confidence. On avoue ceci à l’un, qu’on<br />

n’avouerait pas à l’autre. C’est un degré de l’âme. Ne pas dire, ce n’est<br />

pas toujours mensonge. Une âme qui n’a plus de réserve d’âme n’est plus<br />

une âme. On recule. On se garde. On garde de quoi dire. C’est l’amitié ou<br />

c’est l’amour : tiroirs, l’un après l’autre. Vous aurez des secrets si vous<br />

n’en avez pas encore, Mademoiselle. Le secret du secrétaire fait le secret.<br />

Ce tiroir, qui s’ouvre le dernier (regardez !), c’est le lieu du secret le plus<br />

secret.»<br />

Il ouvrit le tiroir ultime, ce réduit du coeur, l’âme d’une âme, pour<br />

démontrer ... Liliane, d’un bond, quand il ouvrit ce tiroir.<br />

- Vous ne saurez pas, Monsieur, dit-elle. L’auréole des<br />

cheveux étincelait en auréole. D’une telle véhémence, le geste, le ton,<br />

qu’il recula.<br />

- Excusez-moi. Je démontrais, comme on démontre. Je ne<br />

force ni les tiroirs ni les secrets. Je les ouvre. C’est mon métier.<br />

D’un ton qui redoublait de véhémence :<br />

- Votre métier ! Votre métier ! Vous avez donc un métier !<br />

cria-t-elle.<br />

- Je n’ai pas honte de mon métier, Mademoiselle.<br />

- Alors je vous ferai honte de vous-même ...<br />

Et du dernier tiroir qu’il venait d’ouvrir, elle tira les morceaux d’un<br />

papier et grossièrement les assembla sur la tablette du secrétaire. « C’était<br />

un portrait, dit-elle. Je me moque du portrait, de vous. Et voilà ce que<br />

j’en fais, du portrait.» Elle fit une boule de tous les morceaux . Au panier,<br />

le portrait, vous ! Au panier ! « Elle avait de la voix comme une cantatrice<br />

en aurait, une danse de fureur à subjuguer les foules ; la robe blanche,<br />

les mules blanches, 1’auréole, d’opéra ou de cinéma. Les petits<br />

amours, au-dessus des portes, jamais, de mémoire d’amours, ni<br />

l’amour-tailleur ni celui qui jouait aux dés, ni celui qui s’occupait à ne<br />

rien faire, n’avaient assisté à scène pareille. Elle dépassait le Clairon des<br />

plus beaux jours, la petite nouvelle. II est vrai qu’il y avait à redire au<br />

héros, qui n’avait casque panache ni cuirasse, qui avait un métier, qui<br />

avouait qu’il aimait son métier, ce qui donnait furieusement dans la racaille.<br />

Même les petits amours, qui n’étaient du tout des héros, tiraient le<br />

fil comme ils jouaient aux dés, par jeu, non par métier, pour user<br />

l’attente, en attendant le grand Amour ! Les héros à panaches n’ont que<br />

le métier des armes, qui n’est pas un métier. Achille ou le Colonel en salopette<br />

? Une salopette (fi !), cela dépraverait. Certes il était beau, le présent<br />

héros en salopette, et du joli du plus joli dans le très beau ( les<br />

amours aimaient le joli), mais quel rôle allait-il accepter dans la tragédie

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