25.06.2013 Views

La Folie - MML Savin

La Folie - MML Savin

La Folie - MML Savin

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Au panier ! 117<br />

vrai : cette Liliane exaspérée, allant, volant, du premier fauteuil au troisième,<br />

du lit a la tenture, où cette nuit une porte s’ouvrait sur de la nuit,<br />

grattant la tenture, cherchant le secret de la porte, caressant le Sphinge, se<br />

caressant soi, toute de robe blanche et mules blanches. Et puis, dans la<br />

corbeille aux papiers, elle trie, elle retire, elle assemble. C’est un portrait.<br />

Nestor dirait que le portrait ressemble. Le regard entre les cils, il y<br />

est. L’air de souveraine, le mépris, l’auréole. Et quelle main légère au<br />

travail ! Sensuelle, oui, autant qu’une main qui a une paume et des doigts,<br />

qui a tant de sens, qui peut tout dire, comme une main peut dire, et qui<br />

peut tout sentir, et qui peut comprendre ; mais une main légère aussi, qui<br />

se retire, qui ne dit que ce qu’elle veut dire, qui ne dira rien. Quand on a<br />

déchiré, et déchiré le déchiré, de deux morceaux en cent nouveaux, il faut<br />

du temps pour assembler de nouveau, mais on assemble. Chocolat de<br />

Nestor aidant ; et Liliane toute surprise de revoir son sourire à elle, le regard<br />

entre les cils ; un regard de Nogent-le-Rotrou. Malgré la vitesse, elle<br />

avait lu ce nom sur les pancartes. Que ce fut court ! Que ce fut doux ! Un<br />

regard qui regarde appuie sur vous, discret indiscret ; il est ailleurs, il est<br />

ici. Il ne sait pas tout, mais il sait. Il saurait tout. Le dos de Nestor, dos à<br />

la porte, devine et sent, mais il ne devine pas tout. Ce bruit un peu mou, il<br />

sait, c’est le secrétaire qu’on ouvre. Elle a fermé le secrétaire à clef. Elle<br />

doit caresser le doux visage de la Sphinge. Soudain : « Nestor, Nestor !<br />

À moi Nestor !» Nestor, se retournant, ouvre la porte.<br />

- Vous étiez donc là, Nestor ? Et Nestor :<br />

- Ma petite reine est dans mon coeur toujours !<br />

Silence. « Qui manoeuvrait la porte où il n’y a pas de porte, cette<br />

nuit ? Était-ce lui ? Cet esclave noir, mon esclave suis-je son esclave ?»<br />

Dans sa robe blanche de soie, le col très haut, la robe blanche jusqu’aux<br />

mules, elle ne pose la question qu’à la robe. Nestor impassible, un visage<br />

pur, homme simplement homme comme au portail d’une cathédrale. De<br />

par le Roi et de par Dieu ( pourrait-elle ?..) elle se dit qu’elle pourrait<br />

commander comme on commande : À genoux l’esclave noir ! Le monde<br />

à genoux ! Alors, puisqu’elle peut, elle n’est plus qu’une petite fille qui<br />

regarde Nestor en souriant :<br />

- Nestor ! vous qui savez tout ...<br />

- Je ne sais que vous servir, Mademoiselle.<br />

- Il s’agit de me servir, justement.<br />

- Je mourrais pour servir.<br />

- Il sera toujours temps de mourir, Nestor. Oh ! Une bagatelle<br />

! Le secrétaire (elle désigne), tantôt il obéit, et tantôt il n’obéit plus.<br />

- Il ne sait donc pas obéir, Mademoiselle.<br />

- Je l’ai ouvert. Je l’ai fermé. Il ne veut plus s’ouvrir.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!