La Folie - MML Savin

La Folie - MML Savin La Folie - MML Savin

25.06.2013 Views

114 La Folie À la porte, un coup si discrètement qu’elle demanda : - A-t-on frappé ? C’était le discret Nestor, un beau sourire sur son visage de cathédrale, de plus de sagesse dans son sourire qu’à douze ou quatre-vingt. « Entrez, Monsieur » dit Ilse ; elle fit entrer. Elle avait compris que Nestor ne parlerait pas avant d’entrer. Quand il fut assez loin dans le corridor, d’une voix plus basse que basse, où de l’ombre chantait dans l’ombre : - Excusez-moi, Mademoiselle. Après un silence : - Monsieur Lerrand ... Jacques, à son nom : - Bonjour, Nestor ! Nestor, un salut vers Ilse : - Excusez-moi ... Puis, vers Jacques, se redressant : C’est de la part de Mlle Liliane, petite-fille de mon Colonel. Si vous aviez la bonté de venir à La Folie dans un moment... Un salut à Jacques, deux au tablier. Nestor était déjà dans l’escalier.

Chapitre XVI Au panier ! Nestor, qui n’avait point de vanité culinaire, en aurait peut-être senti la pointe si l’on avait contesté son chocolat. Il n’avait pas eu besoin d’étudier page à page le Court Traité du Chocolat, relié en veau, dont le Gilles lisait le titre depuis deux siècles dans la vitrine en face. Le génie se moque des règles. Il improvise. Il n’a pas l’idée d’essayer avant de réussir. Le premier chocolat de Nestor fut un chocolat comme il n’y avait jamais eu de chocolat. Nestor s’était fié à ses narines, qui s’ouvraient et palpitaient comme des calices de tubéreuses. Quand il sentit de l’ivresse par les narines, à en être ivre, le pied danseur, la main sur la main frappant le rythme de la danse, un chant comme de guitare à l’arrière de la gorge, il se dit que c’était du chocolat, et c’était. En entrant chez Liliane ce matin-là, il portait haut un large plateau, mais une tasse si petite sur le plateau et si peu de chocolat dans la chocolatière qu’il était naturel qu’on se récriât : «C’est tout ? » Liliane s’était récriée, de son air de souveraine. Nestor, sans répondre, avait salué la robe de soie blanche et la souveraine. Il fit mine de se retirer, mais, porte fermée, il se tint tout droit, dos à la porte, le sourire de son visage au corridor. Il suffit d’entendre, pour tout savoir.

114<br />

<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

À la porte, un coup si discrètement qu’elle demanda :<br />

- A-t-on frappé ? C’était le discret Nestor, un beau sourire<br />

sur son visage de cathédrale, de plus de sagesse dans son sourire qu’à<br />

douze ou quatre-vingt. « Entrez, Monsieur » dit Ilse ; elle fit entrer. Elle<br />

avait compris que Nestor ne parlerait pas avant d’entrer.<br />

Quand il fut assez loin dans le corridor, d’une voix plus basse que<br />

basse, où de l’ombre chantait dans l’ombre :<br />

- Excusez-moi, Mademoiselle. Après un silence :<br />

- Monsieur Lerrand ...<br />

Jacques, à son nom :<br />

- Bonjour, Nestor !<br />

Nestor, un salut vers Ilse :<br />

- Excusez-moi ... Puis, vers Jacques, se redressant : C’est<br />

de la part de Mlle Liliane, petite-fille de mon Colonel. Si vous aviez la<br />

bonté de venir à <strong>La</strong> <strong>Folie</strong> dans un moment...<br />

Un salut à Jacques, deux au tablier. Nestor était déjà dans l’escalier.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!