25.06.2013 Views

La Folie - MML Savin

La Folie - MML Savin

La Folie - MML Savin

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

112<br />

<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

m’as pas défendu de l’aimer.» Puis : « Oserai-je jamais te dire que je<br />

l’aime ? Je m’étais promis de n’aimer que toi, que j’aime. Pardonne-moi.»<br />

Elle se noua un tablier, son préféré depuis des années, qui était aussi<br />

bariolé que la ville. Comme elle avait tout à coup grandi et puis n’avait<br />

que si peu grandi, elle s’amusait à se changer d’année en changeant de<br />

robe ou de tablier. Elle avait douze ans quand son père lui avait rapporté<br />

ce tablier du Congrès de Prague, où le Professeur avait lu son Mémoire<br />

sur l’appo-sition dans les Dialectes Grecs qui avait désarmé les critiques<br />

les plus acerbes par l’évidence des raisons : pas de contradicteur et des<br />

éloges unanimes. Chaque fois qu’elle décidait d’avoir douze ans, Ilse<br />

nouait le tablier. Juste avait-elle décidé et noué qu’on frappa, comme<br />

d’une bourrade, à la porte. Cela disait que c’était Jacques qui frappait.<br />

Ilse à la porte entrouverte, comme si jamais n’avait vu Jacques.<br />

- Vous désirez, Monsieur ?.. Jacques, aussitôt dans le jeu :<br />

- J’ai lu la pancarte : Prière de frapper. Puisqu’on prie, je<br />

frappe.<br />

<strong>La</strong> sonnette ne sonnait pas, n’avait peut-être jamais sonné. À côté<br />

du bouton, sur une pancarte, de la main du Professeur : Moser. Prière de<br />

frapper. Ilse :<br />

- Ce n’est pas M. le Professeur Moser que vous désirez ?<br />

- Pas précisément le Professeur. Et de tortiller un béret<br />

imaginaire, à la façon des marins, le regard en-dessous, faussement timide.<br />

- Si c’est pour une communication de philologie, revenez<br />

ce soir, le Professeur est absent jusqu’à ce soir. Jacques, perfide :<br />

- Je suis navré de cette absence. Ce soir ... C’est-à-dire que<br />

ce soir je ne serai pas libre... Je veux dire : pas aussi libre... Je ne suis<br />

qu’un marin de passage, Mademoiselle, comme l’ai l’honneur ...<br />

- Si vous n’êtes que de passage, passez donc, Monsieur de<br />

la Marine. Ilse à porte presque fermée, largeur de nez.<br />

- Et si je vous volais votre nez, Mademoiselle ?<br />

- Vous voleriez un nommé Jacques à qui je l’ai déjà donné.<br />

- Mais je suis un ami de Jacques ?<br />

- Pourquoi ne pas le dire plus tôt ? Porte ouverte et refermée.<br />

- L’amie de mon ami est mon amie !<br />

Et Jacques vous soulève à deux bras cette Mademoiselle-là qui,<br />

dans son visage à elle, a un nez qui ne lui appartient pas. Mais, par la vertu<br />

du tablier, elle et son nez, les tresses, la fille, tout glisse, s’échappe.<br />

- Jacques! Jacques !

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!