25.06.2013 Views

La Folie - MML Savin

La Folie - MML Savin

La Folie - MML Savin

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Bavière 107<br />

- D’abord ceci, pour ma fée bavaroise ! Il tira de sa valise<br />

un châle de Bavière, qu’il déplia.<br />

- Oh ! le beau châle, Pa !<br />

Un instant, les mains jointes, tant le châle, laine et soie, de toutes<br />

couleurs, était Bavière. Puis, elle se pendit au cou de son père, comme<br />

elle aimait. Les mêmes tresses qu’avait sa mère, la même façon de se suspendre<br />

et de caresser, d’enfouir sa tête au creux de l’épaule. L’âge de sa<br />

mère aussi, quand, à la deuxième rencontre, elle s’était pendue au cou de<br />

Gunther Moser pour toujours. Plus tard, les Protecteurs ! Après caresses,<br />

il fallut considérer le châle, tout détailler, laine et soie, la broderie, la<br />

frange, le dessin, essayer le châle, l’étaler, embrasser encore, caresser,<br />

battre des mains. C’était toute la Bavière, musique et danse, des rondes<br />

de paysans, l’automne et le printemps, un château sur une montagne, des<br />

fleurs, des oiseaux, un violoneux qui se jouait du violon pour lui tout seul<br />

parmi les arbres. Des couleurs franches, un goût noble et paysan : pas un<br />

de ces châles comme on en trouve à la première boutique, commerciaux<br />

et criards, qui font sourire quand on les sort de la valise à Londres ou à<br />

Paris. Un métier d’autrefois, un fondu d’ensemble malgré les couleurs<br />

vives. Les roses dominaient, entrelacés à des bleus aériens. Ilse pensa : «<br />

Le rose, c’est moi, le bleu, c’est Jacques.» Elle ne put s’empêcher de dire<br />

:<br />

- Nous ferons enrager Jacques, qui soutient que les Bavarois<br />

n’ont pas de goût.<br />

- C’est un châle ancien, remarqua le Professeur. Les Bavarois<br />

d’aujourd’hui n’auraient pas autant de goût. Il ajouta, les tempes<br />

gonflées :<br />

- Je me demande si l’Allemagne est toujours l’Allemagne.<br />

Du coup, Ilse oublia le châle ; elle regarda son père. Le visage<br />

d’acier avait quelque chose de douloureux, presque au tragique. Elle se<br />

souvint du télégramme des Protecteurs. C’était ainsi que se nommaient<br />

entre eux les membres d’une société discrète sinon secrète, à laquelle<br />

Moser était affilié depuis vingt ans, la Société Protectrice de l’Être Humain<br />

(Les Protecteurs tenaient beaucoup aux quatre majuscules. On disait<br />

la SPEH par abréviation). Moins ouverte que la fameuse «Ligue des<br />

Droits de l’Homme» à qui les Protecteurs reprochaient d’avoir l’entrée<br />

plus libre qu’un bazar, plus libre d’usages et de cérémonies qu’une Loge<br />

Maçonnique, la SPEH tenait de la Loge et de la Ligue.<br />

Elle ne réunissait que des purs, par groupes restreints, quinze membres<br />

au plus. Chaque fois qu’il était nécessaire, on formait un groupe. On<br />

ne prétendait pas en former partout ni à tout prix. En certains arrondissements<br />

ou départements, on ne comptait qu’un ou deux groupes. Les Pro-

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!