La Folie - MML Savin

Chapitre XV
Bavière
Vers dix heures, une marche sur deux, Ilse remontait chez elle.
Quelqu’un ouvrit la porte avant elle. «Déjà toi !» dit-elle, les joues très
rouges, un peu essoufflée. Elle n’attendait son père que pour le soir. Il
posa sa valise. Ils s’embrassèrent. Grondeur sans gronder :
- Quand monteras-tu les escaliers marche à marche, demanda-t-il,
petite fée ?
- Quand je ne serai plus une fée ! Je descends quatre à
quatre, mais je ne remonte plus que deux à deux. Bientôt je ne serai plus
une fée. Je vieillis, Pa.
Professeur Pa, à cette proclamation, sourit à son Ilse et l’embrassa.
- Qu’est-ce qu’il faudrait que je dise, moi ?
Rien de si grave. Moser avait quarante ans de philologie active devant
lui. Ilse, qui allait vers ses dix-sept, toujours cette fillette aux tresses
bavaroises ; qui suivait la mode, oui, mais gardait ses tresses. Il est vrai
que l’or et l’ampleur en faisaient une coiffure incomparable. Ses camarades
du Conservatoire lorgnaient ses tresses avec envie.
- Alors, Pa, ce Congrès est déjà fini ? Tu as massacré tous
tes contradicteurs ? Elle savait qu’il était terrible dans les congrès.
- Non, dit-il, tout en fouillant dans sa valise, je
t’expliquerai. Les Protecteurs m’ont rappelé par télégramme.
Ilse au plus sérieux, à ce mot de Protecteurs, car elle était de tous
les secrets.