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Evita m’a lancé un regard à la fois angoissé et haineux. On a frappé. C’était l’une
des assistantes de Stanley-Mitchell qui m’apportait des vêtements propres achetés
en hâte dans l’un des magasins de Mount Sierra.
- Excusez-moi, a-t-elle fait avec une diction très Harvard, mais le choix était
limité. J’ai pris ce qu’il y avait de plus neutre.
Sur ce, elle s’est éclipsée. J’ai enfilé le jean (trop long) et le tee-shirt (trop serré)
qui me faisait une poitrine à la Lara Croft. Pas de doute, j’allais avoir du succès
auprès des jeunes avocats du staff.
Stanley-Mitchell nous attendait au Starbucks, de l’autre côté de la rue, devant un
café à la vanille. Le shérif lui tenait compagnie.
- C’est moche, ce qui arrive aujourd’hui, était en train d’expliquer Cal Benwright.
Les petits gars de M. Tobbey faisaient vivre la ville. Ils savaient s’amuser. On n’avait
jamais de gros pépins avec eux. Ils pratiquaient l’autodiscipline. Quand l’un d’eux se
mettait à déconner, ses copains l’évacuaient avant que les gens ne se plaignent. On
voyait qu’ils avaient le sens des responsabilités.
- Vous pensez qu’ils vont s’en aller ? a demandé Silas.
- Ça a déjà commencé. J’en ai vu qui taillaient la route, le sac sur le dos.
Comment le leur reprocher ? Ils n’ont plus rien à espérer maintenant que M. Tobbey
est mort : ils ne feront jamais partie de son service de sécurité. À la radio, ils disent
que les actions des Zufrau-Clarkson Industries sont en train de s’écrouler et qu’on
pourra bientôt allumer le barbecue avec.
Silas a eu du mal à demeurer impassible. J’ai pensé qu’il devait posséder pas
mal de ces fichues actions dans son portefeuille. Si l’empire de Tobbey s’écroulait, il
serait enseveli sous les ruines, comme beaucoup d’autres spéculateurs.
Avec une nervosité manifeste, il nous a pressées d’avaler notre petit déjeuner.
- Le SWAT va de nouveau tenter de déterminer l’emplacement du garage à
robots, m’a-t-il chuchoté. S’ils parviennent à le localiser, ils le feront sauter. Ça nous
laissera le champ libre pour explorer les collines. Je tiens à ce que vous vous
chargiez de la prise de contact. Je crains que Willa ne fasse une crise de nerfs, ou
ce genre de chose. Il faudra qu’une femme s’occupe d’elle.
- Comment savoir si elle n’est pas déjà partie ? Ai-je objecté.
- La police vérifie l’identité de tous ceux qui quittent le ranch. Pour le moment,
aucune femme n’a été signalée. Le problème, c’est que je ne sais même pas à quoi
elle ressemble. Tobbey veillait jalousement à ce qu’aucune photo de ses enfants ne
soit publiée dans la presse. Il pensait les protéger des kidnappeurs.
- Toutes les sœurs Zufrau-Clarkson se ressemblaient comme deux gouttes
d’eau. Willa ne doit pas faire exception. Il n’y a qu’à se représenter Sarah Jane plus
âgée de deux ans.
Tout le monde s’est entassé dans les voitures. La chaleur grimpait. Les habitants
de Mount Sierra, debout devant leurs maisons, nous dévisageaient comme si nous
étions des autruches échappées d’un cirque ambulant.
Quand nous avons atteint l’aérodrome désaffecté, les réjouissances
commençaient. Le SWAT avait dépêché trois camions blindés et deux hélicoptères.
Hélas, les choses ont vite tourné au vinaigre. Surgis de nulle part, les petits drones
ont pulvérisé le rotor de queue des deux hélicos qui, transformés en toupie, se sont
écrasés au sol avant d’exploser. Les pales des rotors ont traversé la jungle en
tournoyant sur elles-mêmes, sectionnant les arbres factices. Lorsque l’équipe de
secours a voulu récupérer les blessés, elle s’est fait mitrailler par les « lessiveuses ».
Deux brancardiers sont restés sur le carreau. Ça virait à l’hécatombe. Les drones,
eux, s’en donnaient à cœur joie. Ils virevoltaient au-dessus des arbres tels des