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provoquer un effondrement du cours de l’action Zufrau-Clarkson Industries. Il est
capital de montrer que l’empire n’est pas à la dérive, qu’il y a bien un capitaine à la
barre.
- Un capitaine spécialisé dans la confection des mocassins ? Ai-je ironisé.
Il a émis un claquement de langue agacé.
- Peu importe ! Sa présence est symbolique. On pourra toujours prétendre
qu’elle secondait son père dans la marche des affaires, et qu’elle est parfaitement au
courant de la stratégie de l’entreprise. Nous nous chargerons du reste. Pouvez-vous
nous mener jusqu’à elle ?
J’ai dû lui parler du terrain de manœuvres, des robots chasseurs, des drones.
Ça l’a refroidi.
- Willa est quelque part là-dedans, ai-je conclu. Perdue dans la jungle artificielle
qui couvre les collines. Ce ne sera pas facile de lui mettre la main dessus.
- Vous pourriez louer un hélicoptère, a suggéré Evita avec une certaine malice.
Survoler le champ de bataille en parachutant des tracts lui annonçant la mort de son
père… ou encore, faire des annonces au moyen d’un haut-parleur. Le problème,
c’est que les drones risquent de prendre l’hélico pour cible et de le descendre en vol.
Silas se mordillait la lèvre inférieure.
- Il faut que l’information lui parvienne, a-t-il murmuré. Le plus vite possible.
Il semblait croire qu’à peine mise au courant, Willa n’aurait qu’une idée en tête :
bondir hors de la jungle pour s’asseoir dans le fauteuil directorial de Zufrau-Clarkson
Industries et dicter son courrier à une secrétaire empressée. J’essayais d’imaginer
Willa aujourd’hui, après deux ans passés au service de l’homme auquel elle avait été
offerte. Était-elle prisonnière de ce type et dépendante de sa volonté ? Avait-elle des
enfants ? Son « époux » la laisserait-il libre de quitter le territoire du ranch pour
regagner la civilisation ? J’en doutais. Un mec de cet acabit n’accepte jamais que sa
femme soit investie d’un énorme pouvoir. Il veut la tenir sous sa coupe, servante
docile et dévouée.
Je m’efforçai d’exposer cet aspect de la situation à Silas.
- Vous suggérez qu’elle est captive de cet énergumène ? A-t-il grincé.
- C’est à envisager en tout cas. Je tiens à souligner que, si vous essayez de
l’exfiltrer, il faut vous préparer à rencontrer une vive résistance. Son « mari » risque
de ne pas être d’accord. Or, c’est un soldat aguerri.
- Je dois en discuter avec mes associés, a grommelé Silas en se levant. Vous
allez nous accompagner toutes les deux en tant que conseillères techniques. J’ai
d’ores et déjà loué la moitié d’un hôtel du village voisin, vous vous y installerez en
compagnie de mes assistants. Vous êtes désormais sous notre protection, la police
n’a aucune raison de vous retenir.
J’ai compris qu’il nous proposait un marché. Donnant donnant. Nous l’aidions à
récupérer Willa et il ouvrait le parapluie du cabinet au-dessus de nos têtes, sans que
nous ayons à débourser un dollar. Une telle protection ne se refusait pas, surtout
avec mon pedigree.
Avec Dogson et le « boxeur », il fut tranchant. Les deux flics durent s’incliner.
Leurs menaces restaient sans effet sur Silas.
C’est avec soulagement que je quittai le poste de police pour grimper dans l’une
des trois voitures qui avaient véhiculé l’état-major de Stanley-Mitchell jusqu’en ce
coin perdu du désert.