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ensuite remis des serviettes de toi<strong>le</strong>tte et des couvertures. El<strong>le</strong> était d’une amabilité<br />
irréprochab<strong>le</strong> mais ne souriait pas. Ses yeux nous épinglaient comme des papillons<br />
sur une plaque de liège. De toute évidence, el<strong>le</strong> ne nous aimait pas.<br />
Je me suis allongée sans me déshabil<strong>le</strong>r, Evita s’est installée sur un deuxième lit<br />
de camp.<br />
- Tu étais très attachée à Tobbey ? Ai-je fini par lui demander.<br />
J’ai cru qu’el<strong>le</strong> ne répondrait pas, mais au bout d’une minute, el<strong>le</strong> a murmuré :<br />
- Non, c’était surtout physique… C’était un très bon coup. Mais, c’est curieux à<br />
dire… sa mort me libère. Il me tenait par <strong>le</strong>s sens, et je déteste ça. Être enchaînée<br />
sexuel<strong>le</strong>ment. Dépendante. Prendre plaisir à ne plus être qu’un morceau de viande.<br />
Je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire ?<br />
Je voyais très bien. J’avais connu ça, moi aussi, et j’avais détesté.<br />
- Arrive un moment où on se fait honte, a poursuivi Evita. On sait que <strong>le</strong> type <strong>le</strong><br />
sait, et ça l’excite, qu’il va sans cesse vouloir al<strong>le</strong>r plus loin, pour voir ce qu’on est<br />
prête à accepter. À partir d’un certain stade, ça devient intolérab<strong>le</strong>, il faut que ça<br />
s’arrête. En fin de compte, la mort de Tobbey, c’est une délivrance. Je vais cesser de<br />
me dire qu’il faisait de moi une chienne.<br />
Je ne pouvais qu’approuver. Toutes <strong>le</strong>s femmes, à un moment de <strong>le</strong>ur vie,<br />
passent par <strong>le</strong> trip 9 semaines et demie, version non censurée. Si on ne peut l’éviter,<br />
il convient que ce dérapage soit bref. L’intensité, quand el<strong>le</strong> dure, se change vite en<br />
dégoût.<br />
J’ai sombré dans <strong>le</strong> sommeil. Assez curieusement, alors que je m’attendais à<br />
être assaillie de cauchemars, j’ai bien dormi.<br />
L’odeur du mauvais café nous a réveillées aux aurores. Il y avait du nouveau.<br />
Les avocats de Tobbey venaient de débarquer en force. Une escouade d’hommes et<br />
de fil<strong>le</strong>s en vêtements noirs Armani, avec attaché-case et crocs affûtés. Ils ont exigé<br />
de nous rencontrer et, d’emblée, ont déclaré qu’ils assureraient notre défense si la<br />
police était tentée de nous chercher des poux dans la tête. C’était un gros cabinet.<br />
« Requins, Caïmans et associés », aurait dit mon père. Le plus vieux d’entre eux, un<br />
sexagénaire nommé Silas Stan<strong>le</strong>y-Mitchell, à la physionomie d’empereur romain, a<br />
tout de suite mis <strong>le</strong>s choses au point.<br />
- Vous êtes <strong>le</strong>s dernières personnes encore vivantes à avoir approché<br />
physiquement Tobbey, a-t-il déclaré. Nous comptons sur votre collaboration pour<br />
essayer de comprendre ce qui s’est passé. Techniquement, Zufrau-Clarkson<br />
Industries est désormais sous <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> de la fil<strong>le</strong> aînée de Tobbey, Willhemina,<br />
pour 60 % des parts. Le problème, c’est que nous ignorons où el<strong>le</strong> se trouve.<br />
J’ai compris qu’il faisait allusion à Willa. J’ai répété ce que j’avais déjà expliqué<br />
aux flics. Willa, devenue squaw, vivait quelque part dans <strong>le</strong>s collines, en compagnie<br />
de son seigneur et maître. Personne ne l’avait vue depuis deux ans, pas même ses<br />
sœurs.<br />
Silas Stan<strong>le</strong>y-Mitchell a écarquillé <strong>le</strong>s yeux.<br />
- Vous vou<strong>le</strong>z dire que l’héritière d’un empire du pétro<strong>le</strong> vit dans une cabane de<br />
branchages en cousant des mocassins ? A-t-il balbutié.<br />
Il a fallu lui exposer dans <strong>le</strong> détail <strong>le</strong>s principes éducatifs de Tobbey. Plus je<br />
parlais, plus il présentait <strong>le</strong>s signes d’un malaise grandissant.<br />
- J’ignorais ces particularités, a-t-il avoué. Nos relations avec Tobbey étaient<br />
purement techniques. Nous <strong>le</strong> savions un peu… excentrique, mais c’est souvent <strong>le</strong><br />
cas avec <strong>le</strong>s gros clients. Nous ne nous mêlons jamais de <strong>le</strong>ur vie privée. Quoi qu’il<br />
en soit, il nous faut mettre la main sur Willa au plus vite. La mort de son père va