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- Je pense que Vaughan a pété les plombs, ai-je conclu. Pourquoi hier soir ? Je
n’en sais rien. Quoi qu’il en soit, il est monté jusqu’au ranch, a massacré toute la
famille, sauf Sarah Jane, qu’il a emmenée avec lui à titre de dédommagement.
Interrogez les autres soldats, je suis sûre que leur analyse de la situation sera
semblable à la mienne.
Dogson a secoué la tête.
- Non, a-t-il lâché. Ils refusent de parler. Ils n’ont rien vu, rien entendu. Ce sont
d’anciens marines, on n’arrivera pas à leur faire cracher le morceau. On les a formés
pour résister aux interrogatoires. Ils répètent tous la même chose : ils suivaient une
formation commando de deux ans dans le but d’intégrer le service de sécurité de
Zufrau-Clarkson Industries. Surveillance des champs pétrolifères, prévention du
terrorisme, etc. Ça tient debout. Les détonations continuelles ont pu couvrir la rafale
tirée à l’intérieur de l’hacienda. De toute manière, les murs sont épais. Et puis, ce
genre d’arme ne fait pas tellement de bruit, il n’y a qu’au cinéma que les FM
produisent un boucan d’obusier.
Il a quitté la salle pour s’en aller conférer avec ses collègues. Quand il est
revenu, accompagné du « boxeur » et du shérif, le ton avait changé. Je n’étais plus
une suspecte mais une informatrice. J’ai dû tout répéter, dans le détail, tandis qu’ils
essayaient d’obtenir de la Navy le dossier militaire de Vaughan.
- Alors, a fulminé Benwright, le shérif, selon vous, ce type aurait enlevé Sarah
Jane pour en faire sa femme ? Mais c’est une petite fille !
- Pas tout à fait, ai-je riposté, elle a presque quinze ans. Il y a autre chose :
Sarah Jane m’a dit que son père avait fait greffer à toutes ses filles une balise de
localisation, au cas où elles seraient kidnappées par des terroristes. Là, sous la peau
de l’avant-bras. Ça la démangeait, c’est pour cette raison qu’elle m’en a parlé.
Les trois hommes ont échangé un regard.
- Bordel, a tonné le « boxeur », il faut savoir sur quel canal elle émet, sinon on
ne pourra jamais la repérer.
Ils m’ont de nouveau abandonnée. Une agitation effroyable s’était emparée du
poste de police. Tout le monde téléphonait en même temps. La fatigue commençait à
me rattraper. En une seconde, j’avais perdu tout intérêt à leurs yeux. Une auxiliaire
de police m’a sortie de la salle d’interrogatoire pour me ramener dans l’espace de
repos où Evita rongeait son frein, les yeux cernés.
- J’ai dû boire dix litres de café, a-t-elle murmuré, je n’arrête pas de pisser. On
en est où ?
J’ai fait le point avec elle.
Elle a grimacé avant de dire :
- Je savais bien que cette connerie avec Vaughan finirait par mal tourner. Ce
mec qui campait dans les ruines, qui bouffait des lézards… il me faisait froid dans le
dos.
- Tu l’as vu ?
- Entraperçu plutôt, et de loin. À deux ou trois reprises. Enfin, je crois… Une
silhouette entre les ruines. Un vrai fantôme. Il était sacrément doué pour se fondre
dans le décor. Chaque fois, j’ai détourné la tête pour lui faire comprendre que je ne le
dénoncerais pas. Ça n’était pas mes oignons. Je pense qu’il fascinait Sarah Jane.
Une espèce d’amitié interdite, tu vois le genre. Le trip qui allume les gamines à cet
âge. Elle lui déposait de la bouffe, ici et là, comme des offrandes. Du savon, des
vêtements de rechange. Je l’ai surprise une fois. À mon avis, le mec a fini par faire
une fixation sur elle. Dans sa tête, il la considérait déjà comme sa petite femme.