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que le début de la procédure. Des inspecteurs de la criminelle vont vite prendre le
relais. Et peut-être même les gars du FBI si c’est une histoire de terrorisme. Je vous
conseille de décommander tous vos rendez-vous pour les jours à venir.
Voilà, c’était confirmé. Il nous prenait pour des putes, mais comme il était poli, il
avait dit « rendez-vous » au lieu de « clients ».
Le shérif est resté sur place avec une partie de son équipe. Le troisième adjoint
nous a véhiculées jusqu’à Mount Sierra, une bourgade assez pimpante, cultivant le
genre pionnier. J’ai remarqué plusieurs herboristeries, mais également des officines
de cartomanciennes, sans oublier les inévitables boutiques d’objets « magiques ».
Des enseignes en tôle peinturlurée se balançaient au-dessus des portes : chats
noirs, sorcières chevauchant des balais, citrouilles grimaçantes…
Le troisième adjoint se nommait Colin Galway. Dans les trente ans, plutôt joli
garçon si on aime le genre ancienne star du rodéo. Par bonheur, les bureaux étaient
climatisés. Je suis allée mouiller un mouchoir en papier au distributeur d’eau pour me
nettoyer les joues. Je ressentais des fourmillements à la hauteur des pommettes,
comme si des dizaines de mouches aux pattes engluées de sang s’y promenaient
encore.
J’avais conscience de perdre la boule. Colin Galway s’est montré courtois. L’une
après l’autre, il nous a fallu raconter qui nous étions, ce que nous fichions au ranch,
depuis quand nous étions là…
J’ai tout de suite vu que l’histoire du bunker à redécorer le faisait tiquer, et j’ai dû
lui communiquer les coordonnées de l’Agence 13 afin qu’il puisse entrer en contact
avec mon patron. J’ai choisi de rester discrète sur les théories de Tobbey. Quand j’ai
voulu faire état des contrats, j’ai pris conscience que j’avais laissé tomber ma
mallette dans le hall de l’hacienda, au seuil de la salle à manger.
- Vous faites pas de bile, a lancé Galway avec un sourire rassurant, s’ils sont làbas,
le shérif va les retrouver.
Mais cela ne m’a pas du tout rassurée. Je savais qu’il se montrerait moins poli
dès que mon CV ferait surface. Il pourrait y lire des choses comme : Soupçonnée de
vol d’objet d’art, a bénéficié d’un non-lieu. Mort suspecte de la plaignante, alibi
apparemment inattaquable. Hypothèse de la vengeance non écartée. A pu faire
liquider son accusatrice par une tierce personne. Dossier classé faute d’éléments.
En l’espace d’une seconde, je passerais du statut de belle fille traumatisée à
celui de dangereuse salope.
Les dépositions enregistrées, on nous a conduites, Evita et moi, dans une salle
d’attente sans ouverture sur l’extérieur. Une fliquette nous a apporté d’autorité du
café et des sandwiches au pastrami (froid) avant de rappeler à Evita qu’il était interdit
de fumer en ce lieu.
Evita a tiré un agenda de son sac, pour y griffonner quelques mots qu’elle m’a
fait lire :
Gaffe à ce que tu dis. Ils nous enregistrent.
J’ai haussé les épaules. Elle ne m’apprenait rien. J’étais encore gamine que mon
père me conseillait déjà de me défier de tout ce qui porte un uniforme.
Je me sentais sale. À plusieurs reprises, j’ai vérifié qu’il n’y avait pas de traces
de sang sur mes vêtements ou mes chaussures. La migraine me martelait les
tempes au-delà du supportable.
Trois heures plus tard, Cal Benwright est revenu, plus ennuyé que jamais. Il s’est
enfermé dans son bureau pour passer un million de coups de fil. De temps en temps,
à travers la paroi vitrée, il nous jetait un regard alourdi de rancune. Nous avions
troublé la quiétude de sa petite ville. Il nous en tenait rigueur.