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détruire ce qui se cache dessous. Alors, on comprendrait peut-être ce qui s’est
passé.
- Ce matin, tu m’as parlé d’un œuf de plomb, ai-je fait observer pour rompre le
charme malsain qui s’installait.
- Oui, a-t-elle fait dans un souffle. C’est comme ça qu’on surnommait la cachette
à l’intérieur de la cachette.
- Quoi ?
- Cet abri a été construit comme une poupée russe. Vous savez bien : les petites
bonnes femmes emboîtées les unes dans les autres. Ici, il y avait un endroit
dissimulé dont seuls les officiers supérieurs connaissaient l’emplacement.
- Une espèce de panic room ?
- Oui. Mais pas seulement une pièce, il s’agissait d’un autre abri en fait, plus
petit, mais tout de même assez spacieux pour accueillir un état-major. Sa fonction
était d’offrir un refuge aux dirigeants en cas de mutinerie. C’était un bastion au cœur
duquel ils pouvaient attendre que le calme revienne.
- Tu sais où il est ?
- Non, personne ne sait. C’était classé « secret-défense », et les plans ont été
détruits après le massacre. Une fois à l’intérieur, on pouvait en bloquer l’accès afin
de ne pas être envahi par les mutins.
Je ne comprenais pas où elle voulait en venir. Je le lui ai dit, elle a paru agacée.
- Enfin ! A-t-elle sifflé, vous ne pigez pas ? Après la tuerie, on a constaté qu’il
manquait des corps. Le compte n’était pas bon. Alors il ne reste que deux solutions :
soit certains occupants ont été entièrement dévorés par leurs copains, ce qui semble
peu probable… soit ces mystérieux absents ont en réalité trouvé refuge dans l’œuf
de plomb.
- Pourquoi ce surnom ?
- Parce qu’il est doublé de plomb pour arrêter les radiations atomiques.
Mal à l’aise, j’ai regardé autour de moi, comme si, par miracle, j’allais soudain
voir se dessiner sur la muraille les contours d’une porte secrète.
- À mon avis, a continué Sarah Jane, voilà ce qui s’est passé : quand les choses
sont parties en vrille, les officiers ont jugé plus prudent de se mettre à l’abri. Ils sont
entrés dans l’œuf… et n’en sont jamais ressortis.
- Pourquoi ?
- Sais pas. Mais le truc le plus dingue, c’est qu’ils y sont encore. Du moins leurs
cadavres. Je suis prête à parier qu’en attendant la mort, ils ont tout consigné par
écrit, dans l’espoir qu’on trouverait leur rapport. Les militaires ont l’obsession des
rapports, vous savez bien. La solution du mystère est là… quelque part à l’intérieur
de ces murs. Je donnerais cher pour mettre la main dessus.
Elle respirait vite et son regard avait quelque chose d’halluciné. Jouait-elle la
comédie ou sombrait-elle dans cette exaltation morbide chère aux fans du gothique ?
- Pourquoi n’ont-ils pas émergé de leur cachette une fois le massacre
consommé ? Ai-je objecté. Ça ne tient pas debout.
Sarah Jane s’est cambrée, la bouche mauvaise.
- Il est possible que le système d’ouverture soit tombé en panne, a-t-elle lancé.
Ils se sont retrouvés emmurés vivants, dans l’incapacité de communiquer avec
l’extérieur. Les sauveteurs, eux, n’ont pas pu forcer la porte de l’œuf. Ils ont dû se
contenter de nettoyer le bunker principal sans s’occuper de la cachette secondaire et
de ses occupants. Ça signifie qu’ils sont toujours là… depuis tout ce temps !
Elle m’a paru au bord de l’hystérie. J’ai eu peur qu’elle ne se roule par terre en
bavant.