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passager clandestin… Je finis par hausser <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s : dès lors que <strong>le</strong>s gamines<br />
n’étaient nul<strong>le</strong>ment impliquées dans cette sa<strong>le</strong> blague, je n’avais pas à m’en mê<strong>le</strong>r.<br />
Le contentieux opposant Tobbey à certains de ses hommes ne me concernait pas.<br />
- Mais toi, demandai-je, ça ne te paraît pas bizarre d’être offerte en récompense<br />
à un inconnu sans qu’on sollicite ton avis ?<br />
- Bien sûr que non ! protesta-t-el<strong>le</strong> comme si je venais de proférer une énormité.<br />
C’est trop cool. Ce type, ce sera un vrai héros, une bête. Il saura me protéger quand<br />
la guerre éclatera. Vous préféreriez que je me fasse sauter par un petit con de<br />
collégien ? Un crétin qui bouffe de la pizza en jouant à des nullités de jeux vidéo ?<br />
Un bozo gavé de mangas, et qui se pissera dessus quand il lui faudra défendre sa<br />
peau ?<br />
J’eus la conviction qu’el<strong>le</strong> récitait un argumentaire maintes fois seriné par son<br />
paternel.<br />
- Non, <strong>le</strong>s ados branloteurs, très peu pour moi, conclut-el<strong>le</strong>. Je veux un vrai mec,<br />
un type avec qui j’aurai une chance de survivre. Et si vous étiez maligne, vous<br />
viendriez vous instal<strong>le</strong>r avec nous, dans l’abri. Au lieu de passer votre vie à faire des<br />
choses aussi futi<strong>le</strong>s que décorer des appartements, vous participeriez à l’élaboration<br />
de la race future. Ça, c’est un vrai boulot de femme.<br />
Son <strong>livre</strong> sous <strong>le</strong> bras, el<strong>le</strong> se dirigea vers la sortie du fumoir. Au moment de<br />
franchir <strong>le</strong> seuil, el<strong>le</strong> se retourna, et, avec un charmant sourire, me chuchota :<br />
- Vers 3 heures, je descendrai dans <strong>le</strong> bunker pour écrire. Retrouvons-nous làbas,<br />
je vous montrerai des choses. Vous avez entendu par<strong>le</strong>r de l’œuf de plomb ?<br />
- Non, avouai-je. De quoi s’agit-il ?<br />
- Vous <strong>le</strong> saurez si vous venez.<br />
Et, d’une pirouette, el<strong>le</strong> quitta la pièce, me laissant sur ma faim.<br />
J’avais un peu de mal à digérer cette histoire de femmes offertes en prime.<br />
J’aurais bien aimé interroger Willa pour savoir ce qu’el<strong>le</strong> en pensait maintenant<br />
qu’el<strong>le</strong> avait expérimenté <strong>le</strong> concept pendant deux ans. Toutefois, je ne me faisais<br />
pas d’illusions, ces fil<strong>le</strong>s subissaient un bourrage de crâne quotidien depuis <strong>le</strong>ur plus<br />
jeune âge. On <strong>le</strong>s é<strong>le</strong>vait dans <strong>le</strong> mythe d’un conflit imminent. Pas mal de temps<br />
s’écou<strong>le</strong>rait avant qu’el<strong>le</strong>s ne prennent du recul et se disent que la fameuse guerre<br />
du Jugement dernier tardait à éclater.<br />
Dans ma chambre, je rassemblai mon matériel d’enregistrement ; appareil photo<br />
et caméra numériques. Je ne pouvais pas me contenter de prises de vue fixes, seuls<br />
des travellings et des panoramiques permettraient d’apprécier l’immensité de l’abri<br />
souterrain.<br />
Après <strong>le</strong> repas, je demandai au maître d’hôtel si je pouvais emprunter un<br />
véhicu<strong>le</strong> pour descendre à l’aérodrome. Fort aimab<strong>le</strong>ment, il me guida jusqu’à une<br />
remise où s’alignaient des voiturettes blanches, semblab<strong>le</strong>s à cel<strong>le</strong>s qui circu<strong>le</strong>nt sur<br />
<strong>le</strong>s greens.<br />
Je m’installai au volant de l’une d’el<strong>le</strong>s et quittai <strong>le</strong> ranch. J’étais soulagée de ne<br />
plus avoir personne sur <strong>le</strong> dos. Je commençais à supporter de plus en plus<br />
diffici<strong>le</strong>ment la présence de Tobbey, de Jenny et même d’Evita.<br />
Pendant que je roulais, je ne pus m’empêcher de scruter <strong>le</strong>s bâtiments<br />
abandonnés en songeant à ce type… Vince Vaughan… installé dans la base comme<br />
un passager clandestin. Était-il dangereux ? Il fallait être timbré pour squatter ces<br />
ruines chauffées à blanc depuis deux ans. En outre, <strong>le</strong>s bâtisses servaient de dortoir<br />
aux coyotes et aux serpents, je n’y aurais campé pour rien au monde.