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Instinctivement, j’ai regardé autour de moi. Des images de films de sciencefiction
m’ont traversé l’esprit. Je m’imaginais déjà des squelettes chromés, style
Terminator, clopinant d’une démarche de retraité arthritique.
- Vous avez compris ? a martelé Tobbey. À présent, on va faire mouvement vers
ce fortin, là-haut, au sommet de la colline. C’est l’objectif d’aujourd’hui. Si on y
parvient, on y sera en sécurité. Je doute que le colonel puisse en forcer la porte.
Il m’a enfin lâchée. Je me suis frictionné le bras. À mon grand agacement, j’ai
découvert que ça m’avait plu d’être malmenée comme un paquet. J’ai horreur de
sentir la femelle des cavernes s’éveiller en moi. La soumission instinctive au mâle,
toutes ces conneries… Bon, dans ces cas-là, mieux vaut zapper.
Pour parler comme les durs à cuire, nous avons « fait mouvement », histoire de
rester « maîtres du feu ». J’étais plutôt nerveuse. Je dois avouer que les gars
prenaient soin de nous. Chaque fois que nous relevions un peu trop la tête, ils nous
rappelaient à l’ordre en nous tapant sur l’épaule. Il faisait atrocement chaud et j’ai
vite été trempée de sueur. La tension nerveuse n’arrangeait rien. Soudain, j’ai vu
apparaître mes premiers robots. Rien à voir avec les androïdes perfectionnés de
Blade Runner, non. Ils ressemblaient à des lessiveuses montées sur train chenillé,
ou à des aspirateurs industriels. Le sommet de leur « corps » était occupé par une
tourelle d’où pointait un canon. Cette partie mobile ne cessait de pivoter sur ellemême,
à la recherche d’une cible. Il fallait alors devenir plus immobile et plus
silencieux qu’un rocher (Tobbey dixit) car ces foutues machines étaient équipées de
détecteurs de mouvements. En outre, elles étaient en mesure d’établir une distinction
entre le cri du busard et la voix humaine. Dès qu’elles avaient le moindre doute, elles
ouvraient le feu.
Je le dis tout de suite, je n’ai pas aimé entendre siffler les balles au-dessus de
ma tête. Ce bruit d’abeille en folie m’a amenée au bord de la crise de nerfs. Quand
cela se produisait, les hommes de Tobbey répliquaient par un feu nourri. Dès que le
robot avait encaissé trois impacts, il était programmé pour se déclarer « mort », et se
mettre hors service pendant une demi-heure. Passé ce délai, il se réactivait et
repartait en chasse. Je n’ai pas tardé à découvrir que trente minutes, ça passe vite
quand on progresse en rampant sur un terrain accidenté dont les aspérités vous
lacèrent le ventre et les coudes.
Mais il y avait également les drones 15 , de mini-avions pas plus grands que des
jouets, qui patrouillaient au-dessus de nos têtes, analysant le sol à la recherche
d’une activité suspecte. Lorsqu’ils estimaient avoir localisé une cible, ils lâchaient un
petit missile dont la charge détonante, quoique réduite, explosait en projetant des
pierres en tous sens. Dès qu’ils apparaissaient dans le ciel, il fallait se camoufler en
utilisant le terrain, se fondre dans les buissons, se recouvrir de sable, se glisser dans
une crevasse. Chaque fois que cela se produisait, je crevais de trouille à l’idée de
poser la main sur un serpent à sonnette.
Comme les lessiveuses ambulantes, les drones étaient programmés pour
devenir inoffensifs durant trente minutes dès qu’ils avaient encaissé trois impacts.
C’était le moment que choisissait Tobbey pour crier des trucs frisant le ridicule
15 - Avion sans pilote, dont les évolutions sont commandées par un ordinateur
embarqué.