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Lire le livre - Bibliothèque

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mieux s’iso<strong>le</strong>r dans sa tente en compagnie d’Evita. Je savais qu’ils allaient par<strong>le</strong>r<br />

envoûtement, protection, talisman et autres faribo<strong>le</strong>s, mais ça ne m’a pas rassurée<br />

pour autant.<br />

Histoire de couper court aux moqueries, j’ai lancé :<br />

- Alors, il paraît que vous avez fait une rencontre ? Un colonel sur un cheval<br />

blanc ?<br />

Le changement d’atmosphère a été aussi brutal qu’un coup de frein à cent à<br />

l’heure ; avec un brin d’imagination, on aurait senti l’odeur de caoutchouc brûlé des<br />

pneus. J’ai eu au moins <strong>le</strong> plaisir de voir s’effacer <strong>le</strong> sourire sur la face de ces jeunes<br />

brutes. Je suis devenue invisib<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s regards se sont détournés, chacun s’est<br />

absorbé dans une tâche qui ne souffrait aucun délai : gratter la poussière avec un<br />

couteau, rou<strong>le</strong>r une cigarette, hui<strong>le</strong>r une arme, ouvrir une boîte de haricots.<br />

- Un cheval blême…, ai-je insisté.<br />

- M’dame, a murmuré un garçon aux traits bovins, faut pas par<strong>le</strong>r de ça. Ce sont<br />

<strong>le</strong>s histoires du patron, ça nous regarde pas.<br />

Son ton était ferme, un poil menaçant, <strong>le</strong> sty<strong>le</strong> « dernière tentative de conciliation<br />

avant la gif<strong>le</strong> ».<br />

Fina<strong>le</strong>ment, rien de tel qu’un bon fantôme pour qu’on cesse de vous considérer<br />

comme un objet sexuel. J’avais cassé l’ambiance. Le si<strong>le</strong>nce s’est installé. Peu<br />

après, Tobbey et Evita ont émergé de la tente, l’air tendus. Sans perdre une<br />

seconde, la médium s’est approchée du bivouac pour jeter dans <strong>le</strong> feu une poudre<br />

qui a produit une fumée odorante. Puis el<strong>le</strong> a décrit un cerc<strong>le</strong> autour du campement<br />

en posant sur <strong>le</strong> sol, à interval<strong>le</strong>s réguliers, des cailloux colorés qu’el<strong>le</strong> tirait d’un sac.<br />

Je pense qu’el<strong>le</strong> traçait un pentac<strong>le</strong> dont <strong>le</strong>s mauvais esprits ne pourraient franchir <strong>le</strong><br />

périmètre. Croyait-el<strong>le</strong> vraiment à l’efficacité de son sortilège ou donnait-el<strong>le</strong> <strong>le</strong><br />

change pour apaiser Tobbey ? Je me suis rappelé cette maxime d’un auteur de<br />

l’Antiquité : « Deux augures ne peuvent se regarder sans rire. »<br />

La nuit tombait, nous nous sommes regroupés autour du feu. Les hommes<br />

fumaient sans dire mot. J’ai remarqué qu’ils scrutaient la végétation comme s’ils<br />

craignaient une attaque.<br />

Bref, il ne s’est rien passé. Au bout d’une heure, j’avais <strong>le</strong>s fesses meurtries et je<br />

m’ennuyais à mourir. Tobbey s’est redressé en grognant, a posté des sentinel<strong>le</strong>s,<br />

puis nous a expédiées au lit. Evita et moi partagions la même tente, à l’écart.<br />

- Qu’est-ce qui se passe ? Ai-je soufflé lorsque nous nous sommes retrouvées<br />

en tête à tête.<br />

- C’est ta faute, a-t-el<strong>le</strong> feulé. Le colonel a flairé l’arnaque. Il est en colère, il<br />

traque Tobbey depuis trois nuits.<br />

- Arrête ! l’ai-je coupée. Je ne marche pas dans cette combine. C’est une<br />

supercherie, voilà tout. Quelqu’un essaye de <strong>le</strong> faire tourner en bourrique. Un gars<br />

qu’il a humilié ou…<br />

- Aucun de ses hommes n’oserait une chose pareil<strong>le</strong> ! Tu ne te rends pas<br />

compte. Ils <strong>le</strong> vénèrent comme un dieu. Ils veu<strong>le</strong>nt tous faire partie des élus, de ceux<br />

qu’on choisira pour descendre dans l’abri.<br />

- Et toi ? Tu veux <strong>le</strong>s rejoindre ? Jenny m’a laissé entendre que tu étais tentée.<br />

- J’ai menti, pour gagner du temps. Et tu devrais faire pareil. Tant qu’el<strong>le</strong> verra<br />

en nous des reproductrices potentiel<strong>le</strong>s, el<strong>le</strong> ne tentera pas de nous faire du mal.<br />

J’ai grimacé. De vilaines images m’ont traversé l’esprit. Moi, livrée aux petites<br />

brutes du bivouac. Nul<strong>le</strong>ment excitant.<br />

- Tu crois que ta magie va calmer Tobbey ? Ai-je chuchoté.

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