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l’oxydation. C’aurait pu être de vieilles capsules de Coca-Cola, je n’aurais pas vu la
différence.
- C’est le colonel ? A haleté Tobbey. Tu en es certaine ?
- Oui, oui, a bredouillé la jeune femme qui avait manifestement du mal à soutenir
le regard de son patron. L’émanation a surgi… très puissante… Il doit s’agir
probablement d’un tronçon de sabre…
Tobbey a sauté dans le trou, les mains tremblantes, osant à peine toucher les
reliques.
J’ai éprouvé de la honte à le voir ainsi, diminué, en proie à des démons
infantiles, et je me suis reculée. Personne n’a fait attention à moi. Passé le premier
moment de stupeur, les assistants ont déployé une énergie disproportionnée pour
descendre dans la fosse un caisson blindé où les restes furent déposés. On n’aurait
pas pris davantage de précautions s’il s’était agi d’un fossile préhistorique.
Ayant recouvré son sang-froid, Tobbey distribuait déjà des ordres pour organiser
l’évacuation.
Un peu plus tard, Evita vint me rejoindre sous la tente du réfectoire où j’éclusais
du café amer. Elle tripotait son briquet chromé.
- Voilà, je l’ai fait, souffla-t-elle en s’asseyant en face de moi. Tu es contente ?
Pour la première fois de ma vie, j’ai arnaqué un client.
- Ne dramatise pas, tu l’as sans doute sauvé de l’infarctus, grognai-je. Il était en
train de se détruire.
- J’espère que tu as raison, soupira-t-elle en grimaçant. Parce que si tu as
commis une erreur, le fantôme du colonel ne tardera plus à se manifester. Au
prochain cauchemar, c’en sera fini de Tobbey Zufrau-Clarkson.
Une heure après, on démontait le camp. On nous avertit que Tobbey prenait
l’hélicoptère pour rentrer en Californie avec les restes de son ancêtre. Nous étions
conviées à l’accompagner.
- Que compte-t-il faire des débris ? Demandai-je à Evita.
Elle haussa les épaules.
- Il va les inhumer dans le caveau familial, dans son ranch des collines. C’est
vrai que tu ne connais pas encore la propriété… Tu vas avoir une surprise.
- Pourquoi ?
- C’est encore un champ de bataille… en activité celui-là.
Nous avons rejoint Tobbey dans le gros hélicoptère. Il ne nous a pas accordé un
regard. Pendant tout le voyage, il a conservé le conteneur étanche sur ses genoux,
comme s’il transportait un cœur humain en vue d’une transplantation. Sanglée sur
mon siège, j’ai sommeillé. Le retour s’est révélé aussi fastidieux que l’aller.
J’ai perdu la notion du temps, puis l’appareil a amorcé sa descente. Alors que le
soleil se couchait, nous nous sommes posés sur une piste gigantesque, aux abords
du désert. Quand j’ai foulé le béton, le Santa Ana m’a giflée. Nous nous trouvions sur
le tarmac d’une ancienne base du Strategic Air Command. Un haut lieu des vieilles
phobies américaines. La guerre froide, la crise des missiles de Cuba… Un film en
noir et blanc a défilé dans ma tête. C’était l’époque de la paranoïa érigée en système
et de l’espionnite aiguë. L’angoisse d’un conflit nucléaire que beaucoup pensaient
aussi inévitable qu’imminent. Le tout était de deviner qui, le premier, déclencherait
l’apocalypse… et de s’interroger, dans les hautes sphères gouvernementales, sur
l’opportunité d’une frappe préventive.