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Lire le livre - Bibliothèque

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demandé si ses copains allaient être taillés sur <strong>le</strong> même modè<strong>le</strong>. Les infos glanées<br />

sur <strong>le</strong> Web prétendaient que Tobbey vivait entouré d’une garde prétorienne. De<br />

jeunes types fanatisés rêvant d’encaisser une bal<strong>le</strong> à sa place. Peut-être s’agissait-il<br />

de bobards ; <strong>le</strong> Net, comme Hollywood, est un foutu repaire de cinglés.<br />

Nous sommes enfin arrivés à destination. Après avoir survolé une forêt d’érab<strong>le</strong>s<br />

rouges, l’appareil s’est posé au milieu d’une prairie. Tout était très vert, l’herbe<br />

grasse. « Nourrie par tous <strong>le</strong>s morts », ai-je pensé sottement. Un parfum de<br />

chèvrefeuil<strong>le</strong> flottait dans l’air.<br />

Un Humvee s’est rué vers nous. Je déteste ces Jeeps plates. El<strong>le</strong>s ressemb<strong>le</strong>nt<br />

à des paquets de <strong>le</strong>ssive montés sur roues et me font penser à des insectes<br />

tropicaux conçus pour se glisser sous <strong>le</strong>s portes. On faisait dans <strong>le</strong> sty<strong>le</strong> militaire. Je<br />

me suis sentie mal à l’aise. J’avais de plus en plus l’impression de travail<strong>le</strong>r pour <strong>le</strong><br />

dictateur d’une république bananière. Une jeune femme en est descendue. Une<br />

Latino-Américaine à la peau brune. El<strong>le</strong> était vêtue d’un treillis « camouflage » ajusté,<br />

et avait <strong>le</strong>s traits tirés. El<strong>le</strong> semblait à cran, tenaillée par une angoisse dont j’ignorais<br />

la cause.<br />

- Evita Chavez y Goyaz y Nopa<strong>le</strong>s, a-t-el<strong>le</strong> dit en me saluant d’un signe de tête.<br />

J’ai tendu la main ; el<strong>le</strong> a reculé avec un sursaut apeuré.<br />

- Ne <strong>le</strong> prenez pas mal, a-t-el<strong>le</strong> murmuré, mais j’évite tout contact physique avec<br />

<strong>le</strong>s gens.<br />

- Phobie des virus ?<br />

- Non, je suis médium. Quand je touche quelqu’un, je suis aussitôt submergée<br />

par un flot de renseignements intimes <strong>le</strong> concernant ; c’est dur à gérer. Je dois<br />

réserver mes capacités sensoriel<strong>le</strong>s au travail que j’effectue pour M. Zufrau-<br />

Clarkson. Je ne veux rien savoir de vous. Trop d’informations tuent l’information. Si<br />

j’engrange trop de choses, je n’arrive plus à faire <strong>le</strong> tri.<br />

- D’accord, pas de problème, ai-je soufflé en essayant de paraître cool.<br />

Une médium ! Bon sang, manquait plus que ça !<br />

Je l’ai suivie dans <strong>le</strong> Humvee. El<strong>le</strong> était mince et jolie, mais trop nerveuse à mon<br />

goût. J’ai regardé ses ong<strong>le</strong>s rongés jusqu’au sang. El<strong>le</strong> avait la tête d’une fil<strong>le</strong> qui<br />

n’a pas dormi depuis quarante-huit heures.<br />

- Je vais vous conduire au campement, a-t-el<strong>le</strong> annoncé en démarrant. Ne<br />

cherchez pas à prendre contact avec Tobbey, même s’il vous frô<strong>le</strong>. Attendez qu’il<br />

vous adresse la paro<strong>le</strong>. Il déteste qu’on vio<strong>le</strong> <strong>le</strong> périmètre de son espace personnel<br />

sans y avoir été invité, cela <strong>le</strong> hérisse, il devient agressif.<br />

- Ah ? Ai-je fait, et c’est quoi, son « espace personnel » ?<br />

- Un cerc<strong>le</strong> imaginaire de deux mètres de diamètre. Le cerc<strong>le</strong> que pourrait<br />

décrire un homme brandissant un sabre, et pivotant sur lui-même à 360°.<br />

- Quoi ?<br />

- Je ne fais que citer sa propre définition de la chose. J’essaye de vous éviter un<br />

impair. Si vous <strong>le</strong> prenez à rebrousse-poil, il vous chassera sans un mot<br />

d’explication. Comme tous <strong>le</strong>s hommes riches il érige ses caprices en loi divine et<br />

n’accorde de confiance qu’à ses intuitions.<br />

La prairie était vide, mais au loin se dessinaient <strong>le</strong>s toits d’une agglomération<br />

importante. Au vrai, il ne restait plus grand-chose du champ de batail<strong>le</strong> où s’était<br />

déroulé l’affrontement confus, hasardeux et meurtrier qui avait coûté la vie à tant de<br />

jeunes Américains. L’urbanisation galopante avait tout dévoré, ou presque.

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